Publié le 4 mai 2020
L’Etat belge pourrait prendre des mesures visant à combler le déficit creusé par la crise actuelle. Certains partis politiques envisagent déjà le recours à une contribution exceptionnelle de crise et ce, comme certains voisins européens. A titre d’exemple, le Parti démocrate italien propose d’instaurer une taxe de solidarité supportée par les personnes dont le revenu annuel excède 80.000 euros. L’Autriche s’oriente dans la même direction.
L’idée d’instaurer une taxe exceptionnelle de solidarité n’est pas neuve
Déjà dans l’antiquité, les grecs connaissaient «l’eisphora». Il s’agissait d’un impôt sur les revenus fonciers perçu de façon exceptionnelle pour faire face à des situations imprévisibles (notamment, la reconstruction de la Cité suite à une guerre). Cet impôt fût à ce point répété, qu’il en devint la norme. «La vie est un théâtre, nous sommes en représentation tandis que l’histoire est en répétition» dit-on. Preuve en est: la France a instauré, en 2011, une contribution exceptionnelle à charge des hauts revenus. Si cette contribution devait initialement être temporaire, force est de constater qu’elle est toujours en vigueur!
Si l’Etat belge venait à instaurer une contribution exceptionnelle de crise («taxe Covid-19»), celle-ci devrait être aménagée de manière à ne pas porter préjudice à la croissance, et ce afin d’assurer la relance de l’économie.
A l’instar de la France, la Belgique pourrait décider de ne pas instaurer de «taxe Covid-19» mais plutôt de repenser son système fiscal. Dans ce cadre, il n’est pas exclu que les mesures suivantes soient envisagées:
- Réinstaurer la taxe sur les comptes-titres dans une version 2.0. tenant compte des griefs de la Cour constitutionnelle (une proposition de loi a été déposée le 10 janvier 2020 en ce sens)
- Supprimer / aménager les spécificités fiscales belgo-belges, parmi lesquelles:
- Avantages fiscaux des comptes épargnes (exonération de précompte mobilier de maximum 990€ d’intérêts des livrets d’épargne). En supprimant cet avantage, la Belgique éviterait de subir une éventuelle prochaine condamnation de la Cour Européenne de Justice qui pourrait, à nouveau, estimer que ce système est discriminant.
- Exonération des plus-values réalisées par des particuliers sur des avoirs financiers. Suite à la disparation du secret bancaire et à l’intensification des échanges automatiques d’informations, l’administration fiscale belge dispose désormais des éléments pour mettre en place une taxation des plus-values réalisées sur des avoirs financiers. Elle pourrait souhaiter établir une équivalence entre le niveau de taxation des revenus produits par les avoirs financiers (précompte de 30%) et celui des plus-values réalisées sur ceux-ci, et ce à l’instar de la France qui a récemment instauré un prélèvement forfaitaire unique s’appliquant tant sur les revenus de l’épargne que sur les plus-values. Ce ne serait pas la première fois que l’exonération des plus-values réalisées par des particuliers sur les avoirs financiers serait remise en cause (songeons à la taxe sur la spéculation supprimée en 2017) !
- Exonération des loyers résidentiels perçus par des particuliers. Vu l’obligation d’enregistrer les baux résidentiels, le gouvernement pourrait aisément instaurer une taxation des loyers résidentiels perçus par des particuliers. Cette taxation faisait déjà partie du dernier programme électoral de plusieurs partis politiques. Cette mesure permettrait de faire l’économie d’une péréquation cadastrale. Il n’est pas exclu que des aménagements soient mis en œuvre afin de ne pas entraver la mise en location de biens immobiliers à des fins résidentielles (système d’abattements, taxation à un taux distinct, niveau de taxation différent selon le nombre de biens mis en location, etc.).
- La réforme du droit des biens qui entrera en vigueur en septembre 2021 aura également des répercussions fiscales (droits d’enregistrement et droits de succession)
Sur la scène européenne, différentes mesures pourraient également être prises pour accompagner la relance économique: instauration d’une taxe sur les transactions financières, instauration d’une taxe GAFA, etc.
Auteurs : Grégory Homans, associé au cabinet d’avocats Dekeyser & Associés
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