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L’avocat ne peut être obligé à dénoncer un montage fiscal

Publié le 8 décembre 2022

Source : L’Echo, le 8 décembre 2022

Dekeyser & Associés - L'Echo - 8 décembre 2022 - L'avocat ne peut être obligé à dénoncer un montage fiscal

L’avocat ne peut être obligé à dénoncer un montage fiscal

La CJUE juge que les règles obligeant les avocats à transmettre des informations dans un dossier de planification fiscale agressive violent le droit européen.

Le secret professionnel permet aux avocats d’échapper à l’obligation de dénoncer une planification fiscale agressive. Dans un arrêt prononcé jeudi, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé qu’un décret flamand prévoyant l’obligation, pour les avocats, de transmettre des informations à ce sujet était contraire à la charte des droits fondamentaux. Celle-ci reconnaît notamment le droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients, autrement dit, le secret professionnel des avocats.

Le décret flamand du 26 juin 2020 transpose une directive européenne relative à l’échange d’informations dans le domaine fiscal au sujet des dispositifs transfrontières. Selon cette directive, tous les intermédiaires impliqués dans des planifications fiscales transfrontières potentiellement agressives doivent déclarer ces montages aux autorités fiscales.

Cette obligation, qui s’applique notamment aux banquiers, concerne en principe aussi les avocats. Mais la directive laisse aux États membres de l’Union européenne la possibilité de dispenser ceux-ci de l’obligation de déclarer les planifications fiscales, compte tenu du secret professionnel qui les lie. Toutefois, dans ce cas, les avocats doivent avertir les autres intermédiaires, tels que les banques, que c’est à eux d’effectuer la déclaration aux autorités fiscales.

Avocats mécontents

Le décret du 26 juin 2020 use de cette faculté. Il prévoit que l’avocat impliqué dans une planification fiscale transfrontière doit informer les autres intermédiaires qu’il ne peut pas effectuer lui-même la déclaration au fisc. Les avocats sont mécontents car, selon eux, avertir de la sorte d’autres intermédiaires revient à dénoncer une situation qui n’est sans doute connue que d’eux et de leurs clients, ce qui revient à briser le secret professionnel qui les lie.

L’ordre des barreaux flamands et la Belgian Association of Tax Lawyers (Association belge des avocats fiscalistes) ont saisi la Cour constitutionnelle belge à ce sujet en 2020. Avant de se prononcer sur le fond de l’affaire, celle-ci a suspendu l’article du décret obligeant les avocats à informer d’autres intermédiaires et a posé une question préjudicielle à la CJUE. Dans cette procédure préalable à sa propre décision sur le fond, la Cour constitutionnelle a demandé à la CJUE si l’obligation en question violait la charte des droits fondamentaux.

D’après la CJUE, c’est bien le cas. Cette réglementation « viole le droit au respect des communications entre l’avocat et son client en ce qu’elle prévoit que l’avocat, soumis au secret professionnel, est tenu de notifier à tout autre intermédiaire les obligations de déclaration qui lui incombent », juge la haute juridiction européenne.

Effets de l’arrêt

Pour motiver sa décision, la CJUE constate notamment que « l’obligation de notification (des avocats, NDLR) ne saurait être considérée comme étant strictement nécessaire pour assurer que les informations concernant les dispositifs transfrontières soient transmises aux autorités ». Autrement dit, il existe d’autres voies pour que le fisc soit informé, sans nuire au secret professionnel des avocats.

« La Cour de justice de l’Union européenne se montre inflexible avec le respect de la vie privée et met en avant le critère de la stricte nécessité », souligne Grégory Homans, associé gérant du cabinet Dekeyser & Associés. Forte de la réponse de la CJUE, la Cour constitutionnelle va, à présent, pouvoir se prononcer sur le fond et, très vraisemblablement, annuler l’article du décret qui oblige les avocats à informer d’autres intermédiaires.

Même si cette procédure concerne un décret flamand, elle aura aussi des effets côté francophone. « Si l’arrêt de la CJUE concerne ce décret flamand, il devrait pouvoir être étendu aux transpositions régionales et fédérales, qui sont en tous points identiques », souligne Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé au cabinet Bloom. Tous les avocats belges pourront ainsi évoquer leur secret professionnel pour échapper à l’obligation de notification des montages fiscaux.

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