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Fisc et contribuables, pas égaux en cas de litige fiscal

Vous n’êtes pas d’accord avec le montant d’un impôt? Voici comment le fisc vous incite, dès 2018, à payer d’abord, et à vous plaindre ensuite.

Isabelle Dykmans, le 12 janvier 2018

Depuis le 1er janvier de cette année, si vous avez un litige avec le fisc concernant un impôt qu’il vous réclame, que vous décidez de ne pas le payer et de le contester, le fisc ne vous réclamera plus que 4% d’intérêts de retard (en plus du montant de l’impôt) s’il obtient gain de cause à la fin de toutes les procédures.

Bonne nouvelle, car jusqu’ici, ce taux d’intérêt était fixé à 7%. La loi-programme publiée fin décembre, qui contenait principalement la réforme de l’impôt des sociétés, a introduit cette nouveauté. Désormais, le taux de l’intérêt de retard sera calculé en fonction de la moyenne de l’OLO (taux belges à 10 ans), avec un minimum de 4% et un maximum de 10%. Tout le monde est content. Fin de l’histoire? En fait non.

Traitement inégal

Il existe de fait une deuxième possibilité de contestation de l’impôt pour le contribuable. Il peut décider de le payer tout de suite et de le contester ensuite. Dans cette hypothèse, s’il obtient gain de cause, il a également le droit de récupérer le montant injustement payé, majoré d’intérêts, que l’on appelle « moratoires ». Sauf que… dans ce sens-là, le taux d’intérêt s’élèvera à 2% en 2018. La nouvelle loi prévoit en effet simplement que le taux d’intérêt moratoire (donc dans le cas où il est dû par le fisc) sera toujours 2% inférieur au taux d’intérêt de retard (donc lorsqu’il est dû par le contribuable).

« Il est logique que le taux de 7%, qui était exorbitant au regard des taux de marché, ait été abaissé à 4%, c’est une bonne nouvelle. Mais introduire une inégalité des armes en matière fiscale est scandaleux. Auparavant, le taux de 7% valait tant pour les intérêts de retard que pour les intérêts moratoires », réagit l’avocat fiscaliste Thierry Litannie.

« L’introduction de cette dichotomie constitue une rupture de l’égalité entre l’administration fiscale et le contribuable. Pour éviter d’être redevables des intérêts de retard désormais plus élevés que les intérêts moratoires, les contribuables pourraient être tentés de privilégier le paiement de l’impôt, estime de son côté Grégory Homans, avocat associé chez Dekeyser & Associés. Le montant de ces intérêts est en effet souvent significatif, compte tenu de la durée de la procédure. Selon notre pratique, cette durée  oscille généralement entre deux et cinq ans en première instance, après une phase administrative de six mois. S’il y a une procédure d’appel, le délai s’allonge en principe
de deux à trois ans. Dans certains cas, notamment lorsqu’il y a eu une intention frauduleuse, les intérêts de retard peuvent commencer à courir à une date antérieure à l’enrôlement de l’impôt. »

Raisons budgétaires

Interrogé sur la justification de cette différence de traitement entre le contribuable et le fisc, le cabinet du ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA) ne tourne pas autour du pot. « La différence entre le taux de l’intérêt de retard et le taux de l’intérêt moratoire tient à des considérations budgétaires, l’Etat devant assainir ses finances publiques, et arriver à terme à l’équilibre budgétaire, explique Caroline Dujacquiez, porte-parole du ministre. Or ces dernières années, le montant des intérêts moratoires a pesé lourdement sur le budget de l’Etat, cela d’autant que le taux de 7% a permis à certains contribuables de réaliser des placements intéressants, alors que les taux des comptes d’épargne ne dépassent plus 1%. Dès lors, la baisse du taux des intérêts moratoires répond à l’impératif de lutter contre toute forme de spéculation. » Ainsi, le solde des intérêts de retard reçus par l’Etat et des intérêts moratoires qu’il paie est négatif. « En 2016, il s’agissait d’un solde négatif de 192 millions d’euros, ce qui signifie que l’Etat a payé beaucoup plus d’intérêts que ce qu’il n’en a reçu », précise le cabinet du ministre.

Il ajoute enfin qu’une telle différence existe déjà dans d’autres pays de l’Union européenne, comme en Finlande et en Slovaquie.

 

Source : l’Echo

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