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DLU papers : quel impact sur les contribuables ?

Le directeur de l’ISI de Gand a récemment déposé une plainte pénale contre les contribuables qui avaient introduit une demande de régularisation fiscale selon les anciennes procédures (DLU, DLU bis et DLU ter).

Cette plainte vise la quasi-totalité des « anciens » dossiers DLU. Elle n’en vise aucun en particulier (ce qui laisse, pour l’instant, une possibilité aux contribuables concernés d’introduire une nouvelle régularisation fiscale « DLU quater » ; nous y reviendrons).

Les risques pénaux pour ces contribuables font froid dans le dos : une confiscation des avantages patrimoniaux tirés de l’infraction, une amende pénale et, en théorie, un risque d’emprisonnement.  

Quel impact pourrait avoir cette plainte sur les contribuables si le parquet décidait de la poursuivre ?

Voici trois contribuables qui se trouvent dans des situations différentes.

1)      Monsieur Dupont a régularisé les revenus de son compte étranger en 2010 (DLUbis). Il n’a pas pu régulariser le capital fiscalement prescrit car la loi ne le permettait pas (exemple : il avait hérité des sommes il y a plus de 10 ans). Il a ensuite rapatrié les fonds en Belgique.

A priori, Monsieur Dupont ne devrait pas être inquiété par une éventuelle information pénale à son encontre.

  • En effet, outre les obstacles de principe auxquels s’opposerait l’action du parquet (et notamment la violation du principe du non bis in idem[1]), celui-ci serait confronté à un problème de preuve.Il devrait démontrer l’origine délictueuse des capitaux fiscalement prescrits de Monsieur Dupont. L’ancienneté de ces capitaux rendra difficile –voire impossible- l’obtention d’une telle preuve. Le doute bénéficiera à Monsieur Dupont.En outre, poursuivre pénalement Monsieur Dupont nous semble contraire au principe de sécurité juridique.

Celui-ci a introduit une DLU bis parce qu’il croyait pouvoir bénéficier d’une immunité fiscale et pénale tant sur les revenus que sur le capital.

Cette croyance est notamment due à l’imprécision du texte de loi (confusion entre les revenus et le capital) et à l’attitude de l’Etat qui lui a laissé penser qu’il pourrait bénéficier de l’immunité totale.

Monsieur Dupont pourrait également plaider, en cas de poursuite contre lui, l’existence d’une « erreur invincible », laquelle ferait, si elle est établie, disparaître son infraction.

La situation de Monsieur Dupont serait différente si ses capitaux provenaient, par exemple, de revenus professionnels non-prescrits au moment de l’introduction de sa DLU bis. Dans ce cas, il pouvait encore les régulariser. Il ne pouvait donc pas ignorer qu’il commettait une infraction.

A noter que si Monsieur Dupont avait hérité d’une succession non encore prescrite à ce jour ou si les droits éludés étaient dus en région flamande, il devrait pouvoir les régulariser. Le capital serait alors purgé fiscalement et pénalement (l’infraction pénale du défunt étant éteinte suite à son décès).

2)      Monsieur Durant a régularisé son compte étranger fin 2013 (DLU ter). Pour ce faire, il a dû fournir à l’administration fiscale (PCR) une explication du schéma de fraude expliquant notamment l’origine du capital fiscalement prescrit. Monsieur Durant a régularisé les revenus du compte étranger. Il a ensuite rapatrié les fonds en Belgique.

Le parquet pourrait-il le poursuivre pénalement et prouver l’existence d’une infraction pénale sur base du schéma de fraude communiqué au PCR ? Nous en doutons.

  • L’Etat belge a laissé sous-entendre à Monsieur Durant qu’il pourrait bénéficier (sauf en cas de fraude fiscale grave et organisée) d’une immunité fiscale et pénale s’il régularisait son compte étranger.

Notre avis était déjà qu’une confusion régnait à propos de l’étendue de l’immunité accordée.

Notre cabinet avait demandé, à l’époque, à la CTIF s’il n’était pas opportun de clarifier les choses. Suite à cela, la CTIF a publié un avis daté du 15 novembre 2013 invitant les banques à accepter le rapatriement des comptes étrangers régularisés. Ceci signifie que, pour la CTIF, les capitaux étaient régularisés et que la banque n’était pas complice de blanchiment si elle les acceptait.

  • Pour pouvoir bénéficier de cette immunité, l’Etat l’a invité à communiquer un schéma de fraude au PCR, qui serait envoyé à la CTIF en cas de fraude fiscale grave et organisée.
  • Et maintenant, Monsieur Durant pourrait-être poursuivi au pénal sur base du schéma de fraude… lequel avait été communiqué par Monsieur Durand pour bénéficier de l’immunité qui lui avait été annoncée ?

Une telle situation serait véritablement Kafkaïenne et contraire, à nouveau, au principe de sécurité juridique.

Monsieur Durant pourrait par ailleurs, en cas de litige, plaider la violation de son droit à ne pas s’auto-incriminer (article 6 de la CEDH).

Variante : Messieurs Dupont et Durant n’ont pas rapatrié leurs capitaux suite à leurs régularisations fiscales. Ils risquent de se heurter à des difficultés vis-à-vis des banques lorsqu’ils voudront les ramener en Belgique.

La plainte déposée par le directeur de l’ISI risque d’accroitre, davantage encore, la rigidité des banques. Elles seront tentées, à l’avenir, d’exiger la preuve que les capitaux rapatriés ont été régularisés.   

Si tel était le cas, Messieurs Dupont et Durant pourraient introduire une DLU quater.

3)      Monsieur Lardinois détient un compte non déclaré à l’étranger. Il n’a jamais introduit de DLU.

S’il souhaite rapatrier ses fonds auprès d’une banque belge, il se verra opposer un refus des banques belges. Les capitaux resteront bloqués à l’étranger, alors que l’échange automatique des informations bancaires se profile à l’horizon 2017.

Pour les rapatrier, Monsieur Lardinois pourrait introduire une DLU quater.

Variante : Monsieur Lardinois possède un appartement à Barcelone. Pour échapper aux poursuites du fisc et/ou du parquet, il envisage de s’y domicilier fiscalement.

Cette solution est déconseillée. En effet, elle ne fera pas disparaître l’infraction pour le passé, et n’empêchera pas les poursuites fiscales et/ou pénales.

*

En conclusion, nous doutons du fondement juridique de la plainte déposée par le responsable de l’ISI de Gand.

Ce dernier semble avoir posé un geste politique destiné à effrayer les contribuables dans le but de les amener à régulariser et faire rentrer de l’argent.

Nous devons néanmoins nous demander si créer des mouvements médiatiques et estimer que la justice fiscale doit aller plus loin que la loi fiscale est bien le rôle d’un contrôleur du fisc.

Pour les raisons qui précèdent nous pensons que cette plainte restera sans suite.

La DLU quater répond aux besoins de transparence et de tranquillité que certains contribuables souhaitent. 

Cette DLU quater porterait

  • soit sur le capital fiscalement prescrit (pour les contribuables qui ont déjà régularisé leurs revenus par biais d’une « ancienne » DLU),
  • soit sur le capital fiscalement prescrit et les revenus de ce capital (pour les contribuables qui détiennent actuellement un compte étranger non déclaré).

Ils garderont néanmoins à l’esprit que la DLU quater ne sera plus possible s’ils reçoivent une demande de renseignements écrite (concernant les capitaux/revenus en question) émanant d’une instance pénale, fiscale ou économique.

 


[1] Monsieur Dupont ayant déjà payé une amende visant à sanctionner son « comportement frauduleux », dans le cadre de la DLUbis.

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2019-09-12T15:20:49+02:0028 octobre 16|