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Assurance-vie et succession: le fisc change la donne

Publié le 12 janvier 2021

Une circulaire fiscale met fin à un régime de faveur dont bénéficiaient les titulaires d’une assurance-vie dans le cadre d’une succession. Contentieux en vue.

Mauvaise nouvelle pour les conjoints qui ont investi dans une assurance-vie à des fins successorales. Dans une circulaire datée du 7 janvierl’administration fiscale décide qu’en cas de décès d’un des deux époux, le transfert de la valeur du contrat au conjoint survivant sera désormais soumis aux droits de succession, ce qui n’était pas le cas auparavant. Le fisc rend même cette décision rétroactive pour les décès survenus depuis le 1er septembre 2018.

Cette date n’est pas anodine: il s’agit du jour où est entrée en vigueur la réforme du droit des régimes matrimoniaux, qui règle les relations entre époux ou cohabitants. Selon ce nouveau régime légal, intégré dans le code civil, quand des conjoints détiennent une assurance-vie alimentée par leur patrimoine commun et que l’un des conjoints décède, la valeur de rachat du contrat d’assurance-vie est considérée comme un bien propre du conjoint survivant.

Sur le plan fiscal, ce conjoint ne doit, en principe, pas payer de droits de succession sur la moitié de la valeur de rachat du contrat. C’est une exception à la règle générale selon laquelle, au décès d’un des deux conjoints, la valeur des biens possédés en commun par les époux est divisée par deux et le conjoint survivant – et les enfants – doivent payer des droits de succession sur cette moitié du patrimoine commun.

Fin d’un régime favorable

Précisons que ceci est valable moyennant le paiement, par le conjoint survivant, d’une « récompense » au patrimoine commun, afin de préserver l’équilibre économique entre le conjoint survivant et les enfants. Cette récompense est égale à la valeur de rachat de l’assurance-vie. Par conséquent, sur le plan civil, cette valeur sera équitablement répartie entre les successeurs: le conjoint survivant recevra d’abord la moitié de la récompense (répartition du patrimoine commun entre les deux conjoints) et ensuite, l’autre moitié de la récompense fera l’objet d’une dévolution classique, à savoir l’usufruit pour le conjoint survivant et la nue-propriété pour les enfants. Le tout sans prélèvement des droits de succession.

Car l’article 16 du code des droits de succession dispose que « pour la perception du droit de succession en ligne directe descendante (entre parents et enfants, NDLR) ou entre époux ayant des enfants communs, il est fait abstraction des récompenses qui se rattachent à la communauté entre le défunt et un conjoint dont il a, à son décès, des enfants en vie ».

Mais dans sa circulaire du 7 janvierl’administration met fin à ce régime fiscal favorable. Elle se base sur l’article 8 du code des droits de succession qui prévoit: « Sont considérées comme recueillies à titre de legs (transmission à titre gratuit lors du décès, NDLR) les valeurs qu’une personne est appelée à recevoir à titre gratuit au décès du défunt en vertu d’un contrat (tel qu’une assurance-vie, NDLR) renfermant une stipulation à son profit par le défunt (…). » Le fisc souligne que « l’article 8 instaure une fiction de legs » et ajoute que « l’objet de la taxation du legs fictif instauré par l’article 8 sont ‘les valeurs’ qu’une personne est appelée à recevoir ». Et de préciser: « Il importe donc peu que la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie soit qualifiée par le code civil de propre à tel ou tel conjoint puisque cette valeur de rachat n’est pas l’objet du legs fictif. »

Vers des litiges fiscaux

Le fisc estime donc que la valeur de rachat de la police d’assurance est transmise via un legs – et non pas via l’application du code civil – et que les droits de succession doivent donc s’appliquer.

« Selon la nouvelle position administrative, le conjoint survivant sera désormais, au décès du premier époux, redevable de droits de succession sur la moitié de la valeur de la police », résume Me Grégory Homans, associé gérant du cabinet Dekeyser & Associés. « Cette approche est critiquable à plusieurs égards. Rappelons que l’administration n’est pas autorisée à établir de nouveaux éléments imposables par voie de circulaire et ce, notamment au regard du principe de la légalité de l’impôt. » « On ne peut que constater que cette circulaire viole le principe de légalité en matière fiscale », confirme Me Aurélien Vandewalle, avocat au cabinet Lallemand, Legros & Joyn.

Ce dernier n’exclut pas qu’un recours au Conseil d’Etat soit exercé contre la directive fiscale, moyennant certaines conditions. « De nombreux contentieux fiscaux sont à prévoir », estime quant à lui Me Homans. Cette nouvelle controverse fiscale place les nombreux Belges titulaires d’une assurance-vie dans l’incertitude.

Source  :  L’Echo

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