Le 2 janvier 2019
Le conjoint survivant qui pouvait déjà profiter de la réversion d’un usufruit, peut désormais aussi bénéficier de l’usufruit continué instauré par le nouveau droit successoral. Deux techniques proches, dont la finalité est similaire, mais dont le traitement fiscal est différent !
Qu’est-ce qu’une réversion d’usufruit ?
Une personne qui fait donation de la nue-propriété d’un bien dont il se réserve l’usufruit peut prévoir qu’à son décès, cet usufruit reviendra à son époux (se) – c’est un scénario fréquent – ou à un tiers.
Il suffit pour cela de prévoir une clause de réversion d’usufruit dans l’acte de donation. « En vertu de cette clause, deux usufruits successifs sont constitués : l’un immédiatement au profit du donateur, l’autre à terme en faveur du bénéficiaire de la réversion (généralement, le conjoint du donateur) et ce, si celui-ci survit au donateur » explique Me Gregory Homans, associé au cabinet d’avocats Dekeyser & Associés.
Qu’est-ce qu’un usufruit continué ?
En vertu du nouveau droit successoral, le conjoint survivant récolte par l’effet de la loi l’usufruit que s’est éventuellement réservé son époux(se) prédécédé(e) dans le cadre d’une donation qu’il a consentie, pendant la durée de son mariage. Cette dernière nuance est importante : l’usufruit continué ne s’applique pas si la donation a été réalisée avant le mariage et ce, même si l’époux donateur s’était réservé un usufrui
Usufruit continué vs réversion d’usufruit
« Si l’acte de donation avec réserve d’usufruit en faveur du donateur comporte une clause de réversion d’usufruit au profit du conjoint du donateur, la réversion d’usufruit primera, en principe, sur l’usufruit continué. Cela peut avoir une incidence fiscale significative« , précise Me Homans.
Si la notion de réversion d’usufruit et celle d’usufruit continué semblent similaires, des nuances importantes se cachent dans les détails (voir encadré).
Les différences
– L’usufruit continué est d’origine légale (nouveau droit successoral), tandis que la réversion d’usufruit est de nature conventionnelle.
– L’usufruit continué est automatique, tandis que la réversion d’usufruit est optionnelle.
– L’usufruit continué profite exclusivement au conjoint (et dans une certaine mesure au cohabitant légal), tandis que quiconque peut profiter de la réversion d’usufruit.
– Le traitement fiscal de l’usufruit continué diffère fondamentalement de celui de la réversion d’usufruit.
Traitement fiscal de la réversion d’usufruit
Le traitement fiscal de la réversion d’usufruit au profit du conjoint survivant dépend de plusieurs facteurs :
- La Région où réside le donateur lors de la donation et/ou lors de son décès.
- La nature mobilière ou immobilière du bien sur lequel porte l’usufruit attribué au conjoint survivant.
- Le fait que la réversion d’usufruit ait été acceptée avant ou après le décès du donateur.
Si la réversion d’usufruit porte sur un immeuble et qu’elle n’est acceptée qu’après le décès du donateur, le conjoint survivant sera, dans certaines circonstances, exonéré d’impôt successoral sur cette réversion.
Par contre, si la réversion porte sur des avoirs financiers et qu’elle n’est pas acceptée avant le décès du donateur, le conjoint survivant sera redevable d’un impôt successoral sur cette réversion. Et il convient d’être prudent car l’acceptation de la réversion peut être tacite. « La simple présence du conjoint bénéficiaire de la réversion à l’acte de donation initiale constitue parfois une acceptation tacite par celui de la clause de réversion« , met en garde l’avocat.
Traitement fiscal de l’usufruit continué
Pour l’usufruit continué, les choses sont plus simples.
« Si le donateur décédé réside en Flandre, son conjoint sera redevable des droits de succession sur l’usufruit continué (sauf s’il porte sur le domicile conjugal).
Par contre, si le donateur décédé réside en Wallonie ou à Bruxelles, le conjoint survivant semble pouvoir être totalement exonéré d’impôt successoral sur cet usufruit. En effet, l’usufruit continué porte sur un actif sorti par donation du patrimoine du défunt. Il n’opère
ainsi pas de transmission d’actif depuis le patrimoine du défunt. Si le législateur wallon ou bruxellois avait souhaité prélever des droits de succession sur cet usufruit légal, il aurait dû adopter une norme taxatrice en ce sens (à l’instar de ce qu’a fait le législateur flamand) », précise Me Grégory Homans.
Comment supprimer l’usufruit continué ?
On peut s’interroger sur l’opportunité de cet usufruit continué. En effet, le donateur, lorsqu’il a consenti une donation à un tiers, en s’en réservant l’usufruit sans prévoir une réversion d’usufruit au profit de son conjoint, l’a fait délibérément (par exemple, parce qu’il estime que son conjoint n’a pas besoin de cet usufruit).
Le nouvel usufruit continué contrarie ainsi la volonté du donateur. Et vu la nature légale de cet usufruit, il est impossible d’en priver directement le conjoint dans l’acte de donation. Même s’il y consent.
« Il existe toutefois plusieurs façons de supprimer l’usufruit continué avec ou sans l’accord du conjoint bénéficiaire », note l’avocat spécialisé en droit patrimonial :
- Le donateur peut établir un testament en ce sens.
- Le donateur peut renoncer de son vivant à l’usufruit sur les biens qu’il a donnés ou le convertir en une rente. A défaut d’usufruit conservé par le donateur initial, le conjoint survivant ne pourra plus bénéficier d’un usufruit continué.
- Le donateur et son conjoint peuvent conclure un pacte successoral dans lequel le conjoint renonce volontairement à son usufruit continué. »
Comment choisir entre les deux ?
La réversion d’usufruit comme l’usufruit continué sont deux manières de transférer l’usufruit au conjoint survivant. Toutefois, comme leur traitement fiscal diffère, il y a lieu de prendre ses dispositions en fonction du domicile du donateur pour s’assurer de bénéficier du régime le plus favorable.
« Si les contribuables bruxellois et wallons ont généralement intérêt à laisser s’appliquer l’usufruit continué, les contribuables flamands ont intérêt à l’exclure et à opter pour une clause de réversion », conclut l’avocat du cabinet De Keyser & Associés.
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