Publié le 21 août 2018
La taxe sur les comptes-titres est due par les contribuables qui disposent d’un portefeuille de minimum 500.000 euros. Mais en donnant ne serait-ce que 1% de leur portefeuille à leur enfant, ils peuvent la contourner. Ceci dit, il reste à voir si le jeu en vaut la chandelle, étant donné les conséquences de cette opération sur le plan civil.
Les contribuables qui détiennent un compte-titres d’une valeur de minimum 500.000 euros peuvent-ils éviter la taxe de 0,15% en effectuant une micro-donation de leur portefeuille, par exemple de 1%, à leurs enfants ? Techniquement et juridiquement, il semble que le montage tienne bien la route. Mais, obnubilés par l’envie d’éviter la taxe, les contribuables pourraient oublier les conséquences civiles de cette opération.
François Parisis, directeur de l’ingénierie patrimoniale à la Banque Transatlantique Belgium, indique qu’il ne conseille d’ailleurs jamais à ses clients de réaliser une donation, même minime, uniquement pour des raisons fiscales. Il conseille plutôt de voir les choses de la manière suivante : »Donnez seulement si vous avez envie de donner. Et si en plus, votre donation vous permet de réaliser une économie fiscale, c’est une bonne nouvelle!« . Ceci dit, il admet que la technique est effectivement une bonne manière d’échapper à l’impôt. Explications.
Commençons avec un exemple. Marc est titulaire d’un compte titres de 600.000 euros. Il est donc redevable de la taxe sur les comptes-titres. Il décide de donner 1% de son portefeuille à sa fille Sophie. Marc détient donc dans les faits 594.000 euros et Sophie seulement 6.000 euros. Malgré tout, Marc n’est plus redevable de la taxe.
Pourquoi ? Comme l’explique l’avocat Grégory Homans, associé au cabinet Dekeyser & Associés, « au regard de la taxe sur compte-titres, compte tenu de la présomption de répartition égalitaire, Sophie est réputée titulaire de 300.000 euros et Marc de 300.000 euros également. Ils éviteront ainsi tous les deux la taxe. La banque appliquera la présomption de répartition égalitaire et ne retiendra pas la taxe sur les comptes-titres« . De fait, lorsqu’un compte-titres est détenu par plusieurs titulaires, quelle que soit la proportion, le compte est considéré comme appartenant aux titulaires à parts égales (seulement dans le cadre de la taxe sur les comptes-titres, naturellement). Ceci signifie par exemple que pour éviter la taxe, un compte-titres de plus de 1 million d’euros devra être détenu par trois co-titulaires minimum, un compte-titres de plus de 1,5 million d’euros par quatre co-titulaires, et ainsi de suite.
Est-ce trop beau pour être vrai ? Juridiquement, il semble que non. Le ministre des Finances Johan Van Overtveldt a expressément affirmé que l’administration fiscale ne pourrait pas prélever la taxe sur la base de la répartition réelle du portefeuille. « Il s’agit là d’une tolérance administrative, qui s’écarte du texte de loi. La circulaire administrative récemment publiée en matière taxe sur les comptes-titres n’aborde pas cette problématique« , précise Grégory Homans.
Ce mécanisme pourrait-il cependant être remis en cause sur base de la disposition générale anti-abus telle qu’elle existe en matière d’impôts sur les revenus ? « La taxe sur les comptes-titres ne fait pas partie du code des impôts sur les revenus mais du code des droits et taxes divers. Or ce code ne contient pas de disposition générale anti-abus comparable à celle du code sur des impôts sur les revenus« , explique l’avocat.
Technique
Si le donateur se contente simplement d’ajouter un nom à son compte-titres sans passer par une donation, les avoirs seront considérés comme répartis à 50/50 entre les co-titulaires (ou toute autre proportion en fonction du nombre de co-titulaires). C’est pourquoi la donation est un passage obligé. Elle peut être enregistrée ou non.
1) Donation notariée
Le(s) enfant(s) reçoivent un pourcentage du portefeuille via un acte de donation enregistré chez le notaire belge, ce qui engendrera le paiement de droits de donation de 3 ou 3,3% en ligne directe. La donation peut porter sur la pleine propriété ou uniquement sur la nue-propriété, le résultat est le même en ce qui concerne le contournement de la taxe sur les comptes-titres.
2) Donation bancaire
Le donateur opte pour une donation bancaire (non enregistrée). Comment se réalise une telle donation ? « Dans un premier temps, un compte-titres est ouvert au nom du donataire. Le donateur donne ensuite instruction à sa banque de virer sur le compte-titres du donataire les titres qu’il lui destine. Dans un second temps, donateur et donataire ouvrent un compte-titres en indivision; chacun y transfère les titres qu’il détient sur son compte propre. Etant donné qu’un compte en indivision est présumé appartenir de manière égale (50/50) aux deux indivisaires, il est recommandé sur un plan civil de rédiger un pacte d’indivision afin de clarifier les droits de chacun dans l’indivision (l’un détenant, par exemple, 99% des avoirs en compte, l’autre le pourcent restant)« , explique François Parisis.
Gestion
Donner, c’est donner. Rien ne semble plus vrai en matière de donation, qui est un acte irréversible. Ce qui peut provoquer bien des soucis chez le donateur s’il ne s’entend plus avec son (ses) enfants (donataires). En effet, lorsque le compte-titres est immatriculé au nom de plusieurs personnes, chacun des titulaires a son mot à dire sur la gestion des avoirs. « Que l’on possède 1%, 50% ou 99% des avoirs en compte n’a pas d’importance quand on se place du point de vue de la gestion des avoirs. Même avec 1%, le donataire a un droit de véto sur la gestion, ce qui n’est pas toujours du goût du donateur qui souhaite souvent conserver la mainmise sur la gestion des avoirs donnés. La donation avec réserve d’usufruit peut, à cet égard, offrir une alternative intéressante. Dans l’acte de donation avec réserve d’usufruit (qui doit être obligatoirement passé par-devant notaire), le donateur-usufruitier peut se réserver l’exclusivité quant à la gestion des avoirs donnés en nue-propriété. Le donataire est dès lors privé de tout droit d’intervention dans la gestion« .
Grégory Homans confirme » qu’il est possible d’organiser la donation d’avoirs financiers pour garantir au donateur le droit de pouvoir gérer librement les avoirs donnés, celui de pouvoir bénéficier tant des revenus produits par ces avoirs que des plus-values réalisées sur ceux-ci et même, dans certaines circonstances et sous certaines conditions, le droit pour le donateur de continuer à pouvoir disposer des biens donnés à son propre profit « .
Il est donc possible d’aménager la donation pour minimiser au maximum les conséquences sur le plan civil. Mais au final, cette opération engendrera des coûts (avocat, frais de dossier à la banque, etc. ) qui ne seront pas rentabilisés tout de suite. En effet, plus le montant des avoirs est élevé, plus l’opération est intéressante. Dans notre exemple, Marc aurait dû payer 900 euros de taxe s’il n’avait pas donné 1% de son portefeuille à sa fille. Mettre en place toute cette stratégie uniquement dans le but d’éviter la taxe sur les comptes-titres peut sans doute paraître disproportionné. La donation devrait idéalement être envisagée d’abord pour les avantages qu’elle procure en matière de planification successorale (éviter le paiement de droits de succession à ses enfants).
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