Publié le 13 septembre 2024
Remplir l’annexe 276 CJC de la déclaration, nouveauté de 2024, représente une lourde charge administrative pour certains contribuables et leurs conseillers.
Quatre pages à annexer à la feuille d’impôt déconcertent les fiscalistes. Alors qu’il reste un peu plus de trois semaines aux conseillers fiscaux pour rentrer les déclarations de revenus de leurs clients, certains sèchent sur une annexe relative aux constructions juridiques, c’est-à-dire des structures, bien souvent établies à l’étranger, susceptibles d’être soumises à la taxe Caïman. Selon ces spécialistes, ce document, qui doit être joint à la déclaration pour la première fois cette année, peut exiger un travail ardu à cause des informations détaillées qu’il requiert. L’annexe 276 CJC, selon sa dénomination toute administrative, provoque quelques sueurs froides…
C’est que les structures visées sont à présent très larges, l’obligation de déclaration visant désormais des véhicules juridiques qui, loin d’être établis dans des paradis fiscaux, sont employés couramment dans des pays voisins de la Belgique, et pas nécessairement dans le but de réduire l’impôt. D’après le service public fédéral des Finances, l’an dernier, 2.923 contribuables ont mentionné, dans leur déclaration fiscale, l’existence d’au moins une construction juridique.
Alors qu’auparavant, ces contribuables devaient uniquement déclarer l’existence et quelques caractéristiques de la construction juridique, l’obligation déclarative a été alourdie. À partir cette année, c’est dorénavant un document de quatre pages qu’il convient de renvoyer à l’administration fiscale, cette fois-ci en précisant le patrimoine de la construction juridique en question, ses revenus ou les montants qu’elle a éventuellement distribués.
« Remplir cette annexe représente une charge administrative assez lourde : cela revient en réalité à transmettre la comptabilité de la construction juridique ! », signale Denis-Emmanuel Philippe, avocat spécialisé en fiscalité, associé au cabinet Bloom. « On peut ici clairement parler d’un élargissement de l’obligation déclarative. »
Plusieurs difficultés
« La liste des éléments à communiquer aux autorités fiscales s’est considérablement alourdie », confirme Grégory Homans, avocat associé gérant du cabinet Dekeyser & associés, qui ajoute que « le modèle de cette annexe n’a été publié que le 21 juin 2024 au Moniteur belge. »
Les conseillers ont donc eu peu de temps pour réunir la documentation nécessaire. Me Homans évoque « une éventuelle difficulté à collecter ou obtenir les données sollicitées, entre autres pour les bénéficiaires qui ne sont pas les fondateurs de la construction juridique ».
De plus, des questions d’interprétation peuvent se poser, ce qui complique encore la donne. Selon Grégory Homans, il y aurait « une certaine difficulté à cerner la portée des informations sollicitées ainsi qu’à traiter les informations reçues afin de compléter de la manière attendue l’annexe 276 CJC ».
« Donnés sensibles »
« Certaines données assez sensibles doivent être transmises au fisc, analyse Denis-Emmanuel Philippe. Je pense en particulier au montant du patrimoine de la construction juridique à la fin de la période imposable. » Il faut aussi mentionner la part du patrimoine apportée par le fondateur, ce qui s’avère également délicat, car il faut documenter chaque apport.
De plus, Denis-Emmanuel Philippe souligne que « l’annexe doit aussi être remplie lorsque la construction juridique n’est pas soumise à la taxe Caïman », cet impôt qui, à l’origine, visait des structures établies dans des paradis fiscaux, mais qui peut, aujourd’hui, toucher aussi des véhicules juridiques de pays européens.
Dans certains cas, cette taxe ne s’applique pas, notamment en cas d' »exclusion de substance », c’est-à-dire quand la construction juridique est dotée d’une véritable infrastructure locale. « Néanmoins, l’existence de la construction doit tout de même être mentionnée dans la déclaration et explicitée dans l’annexe qui doit y être jointe ! », relève Me Philippe.
Amende administrative
La complexité de la 276 CJC semble telle que les contribuables concernés ne seraient pas à l’abri d’une erreur. « Face à ces difficultés, il est prudent de se demander la manière dont l’administration fiscale réagira si des contribuables, de toute bonne foi, ne parviennent pas à obtenir les informations souhaitées ou qu’ils interprètent de manière erronée les informations reçues », prévient Grégory Homans.
« Force est de constater qu’une communication d’informations lacunaires pourrait, si l’administration fiscale venait à considérer que l’obligation déclarative n’est pas rencontrée en raison de la communication d’informations partielles, entraîner des sanctions », ajoute cet expert, qui précise qu’un tel manquement est passible d’une amende administrative de 6.250 euros par construction juridique et par année. « Il est toutefois à espérer que l’administration fasse preuve d’une certaine tolérance », glisse-t-il.
Comment le fisc traitera-t-il les informations reçues via l’annexe 276 CJC ? « Les données contenues dans la nouvelle annexe seront utilisées dans le cadre de la gestion des risques fiscaux, explique-t-on au SPF Finances. Le croisement de ces données avec toute autre donnée, y compris celle d’origine internationale, pourra s’appliquer. » Autrement dit, le fisc vérifiera si ce qui est déclaré recoupe les informations reçues d’autres pays.
En cas de problème, une demande de renseignements n’est pas exclue. « Le but est, pour un risque fiscal déterminé, de sélectionner les dossiers qui demandent une vérification, précise le SPF Finances. Les contribuables sont informés, lors de la vérification de leur déclaration, par une demande de renseignements ou toute autre prise de contact. » Voilà les contribuables concernés prévenus.
ECHO_Une annexe à la déclaration fiscale déroute les fiscalistes_13.09.2024
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