Les donations antérieures non enregistrées qui figurent dans le pacte successoral pourraient être taxées lors de l’enregistrement du pacte. Dans ce cas, le pacte successoral perd de son intérêt.
La réforme du droit successoral entre en vigueur dans un peu moins d’un an, en septembre 2018. Parmi les nouveautés les plus importantes figure la possibilité de conclure des pactes successoraux entre parents et enfants afin de faire adhérer toute la famille sur la future succession des parents. Dans ce pacte, l’idée est pouvoir comparer la manière dont chaque enfant a été avantagé dans le passé afin de pouvoir remettre les compteurs à zéro.
Forcément, devront donc y figurer toutes les donations qui ont été faites aux enfants dans le passé. Naturellement, tant les donations enregistrées (sur lesquelles des droits d’enregistrement ont été payés) que les donations non enregistrées devront être énoncées.
Pour rappel, les donations de valeurs mobilières non enregistrées sont exemptées de droits de donation. Si le donateur décède dans les trois ans, cette donation est soumise aux droits de succession.
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En droit de percevoir
Où est le problème? Ce pacte familial devra être établi par un notaire qui le présentera devant un bureau d’enregistrement. Or, comme l’explique André Culot, expert fiscal spécialisé en droits d’enregistrement et de succession, « le bureau d’enregistrement considère que tout acte présenté à l’enregistrement, énonçant incidemment des donations fait titre de ces donations, notamment lorsqu’il s’agit de l’énonciation d’une donation indirecte (virement bancaire) ou d’un don manuel. Le bureau d’enregistrement est donc en droit de percevoir les droits d’enregistrement sur les donations énoncées dans le pacte« . En clair, il pourrait percevoir les 3% ou 3,3% (selon les Régions) de droits de donation que le donateur avait décidé de ne pas payer en choisissant de ne pas enregistrer sa donation. « C’est un risque qui existe, compte tenu de la jurisprudence administrative en la matière« , précise-t-il.
Le choix de l’administration
Selon Grégory Homans, avocat spécialisé en fiscalité, associé chez Dekeyser & Associés, si ce risque se concrétise, alors le pacte successoral serait mort-né, ou, en tout cas, « son intérêt dans le cadre d’une organisation patrimoniale serait sensiblement altéré« . « Le pacte successoral a été présenté comme l’outil incontournable de toutes les futures planifications patrimoniales. Il provoquerait toutefois des dégâts collatéraux significatifs si toutes les donations antérieures non enregistrées listées dans le pacte devaient être soumises aux droits de donation. Pour éviter l’enregistrement du pacte par le receveur belge, il convient de réfléchir à l’opportunité de passer ce pacte auprès d’un notaire étranger (Pays-Bas ou Suisse)« , explique-t-il.
Peut-on imaginer que le bureau d’enregistrement choisisse simplement de ne pas réclamer de droits de donation dans le cas spécifique du pacte successoral ? « Le problème, c’est que la loi ne précise pas si dans ce cas précis, le fait d’énoncer les donations fait titre ou non, et fait qu’elles sont donc soumises – ou non – aux droits de donation« , explique André Culot. Sans une loi fiscale, chaque Région (car la fiscalité des successions et des donations est une compétence régionale) pourra choisir la manière dont elle analysera la loi civile (qui est fédérale).
Au cabinet de Koen Geens, le ministre de la Justice, qui a porté la réforme du droit successoral, on n’élude pas la question. « Nous sommes au courant de la problématique. Nous avons eu une réunion avec les Régions il y a quelques mois. C’est maintenant à elles de décider comment elles adapteront leur réglementation. Toutes les Régions étaient constructives lors de la réunion« , explique Marie Landsheere, porte-parole de Koen Geens.
Plusieurs techniques existent cependant pour éviter l’enregistrement d’anciennes donations mobilières non encore enregistrées reprises dans un pacte successoral. Mais elles semblent vouées à l’échec. Ainsi, certains notaires ont songé à reprendre les donations non dans le corps du pacte successoral mais dans une annexe. « Cela n’a pas d’incidence car l’annexe à un acte notarié doit en principe également être enregistrée« , explique Grégory Homans.
Sans la valeur
D’autres ont pensé reprendre les donations mais sans indiquer la valeur des biens donnés et ce, afin d’empêcher matériellement le receveur de percevoir les droits d’enregistrement réduits. « Dans ce cas, il n’est pas exclu que le receveur refuse d’enregistrer le pacte successoral tant que la valeur des biens donnés ne lui aura pas été communiquée« . D’autres enfin envisagent de ne pas reprendre toutes les donations et de trier celles-ci selon qu’elles aient été ou non enregistrée. « Ce processus risque d’invalider le pacte pour cause de vice de consentement. En effet, le pacte successoral tend à établir un équilibre familial, certes subjectif. Or, comment parler d’équilibre quand toutes les donations et autres avantages ne sont pas sur la table?« , conclut Grégory Homans.
Isabelle Dykmans, le 19 octobre 2017
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