Taxe sur les comptes-titres: sur quoi? Pour qui? Comment et quand?
Par sa complexité, ses allers et retours entre le gouvernement et le Conseil d’Etat, la taxe d’abonnement finit par faire perdre pied au contribuable. Quels titres sont visés ? Quels montants sont pris en considération ? Qui sera impacté par cette taxe et comment ? Pour vous aider à vous y retrouver, dans voici un état des lieux de ce qui est prévu aujourd’hui.
Quel est son champ d’application ?
La taxe annuelle de 0,15% s’applique sur l’ensemble des comptes-titres s’ils atteignent ou excèdent 500.000 euros et ce, sur l’entièreté des sommes à partir de 500.000 euros. Les titres inscrits sur des comptes-titres qui sont visés sont les actions cotées ou non cotées, les obligations cotées ou non, les sicav, les ETF, les certificats d’actions ou d’obligations, les warrants, les bons de caisse.
N’entrent pas dans le champ d’application, les options (alors que les warrants le sont), les assurances-vie (en ce compris les fonds de la Branche23), les fonds d’épargne-pension, les actions nominatives (pour protéger les PME et les sociétés avec un actionnariat familial), les comptes à terme et les liquidités. « C’est l’encours total des comptes-titres détenus en Belgique et éventuellement à l’étranger qui sera pris en considération pour apprécier le seuil de 500.000 euros. Prenons un exemple, si un contribuable détient trois comptes-titres de 200.000 euros auprès de trois banques différentes, il subira la taxe annuelle de 0,15% sur 600.000 euros », explique Grégory Homans, Avocat, associé au cabinet Dekeyser & Associés.
Qui est redevable de cette taxe ?
Les personnes qui sont redevables de cette taxe sont les personnes physiques. Sont donc exclues du champ d’application de cette taxe les personnes morales (sociétés, les fondations privées belges, etc.).
Que se passe-t-il en cas de compte détenu en indivision ?
« Si deux époux détiennent, par exemple, un compte indivis (« commun ») avec 1.200.000 euros, chacun d’eux sera réputé être propriétaire de 50% des avoirs et supportera la taxe sur 600.000 euros. Cependant, s’ils peuvent apporter la preuve que leur indivision est en réalité de 80-20, la taxe ne sera pas perçue sur les 20% de 1.200.000 euros », ajoute Grégory Homans.
Que se passe-t-il en cas de compte démembré ?
Un compte démembré est un compte dont la nue-propriété appartient à certaines personnes et l’usufruit à d’autres. Dans ce cas, seul l’usufruitier sera pris en considération. Prenons le cas d’un compte de 800.000 euros détenus en nue-propriété par deux enfants et en usufruit pour la mère uniquement. Selon le projet de Loi, seul l’usufruitier sera pris en considération et sera redevable de la taxe sur les 800.000 euros. « Pour éviter cette taxe, la mère (usufruitière) pourrait par exemple renoncer à son usufruit ou le remplacer par une obligation pour les enfants de verser une rente mensuelle à leur mère », précise Grégory Homans.
Qui doit prélever ou payer cette taxe ?
L’agent payeur est la banque dans laquelle le compte-titres est ouvert. Si le compte-titres présente un solde supérieur ou égal à 500.000 euros, la banque prélèvera d’office la taxe. Si le compte-titres est inférieur à 500.000 euros, la banque demandera si le client veut que la banque prélève cette taxe. Le client peut marquer son accord. On serait ici dans le cas où le détenteur du compte-titres aurait d’autres comptes-titres avec des montants totaux qui seraient égaux ou dépasseraient les 500.000 euros. Le client peut cependant refuser la perception de cette taxe mais si ses avoirs totaux sont égaux ou dépassent les 500.000 euros, il devra en faire la notification dans sa déclaration à l’impôt des personnes physiques. Les banques étrangères ne sont pas contraintes de prélever cette taxe. C’est donc au contribuable de la déclarer s’il est dans les cas prévus par la loi.
Qu’entend-on par disposition anti-abus ?
Les détenteurs de comptes-titres qui désireraient apporter leurs titres à une société pour éviter de rentrer dans le champ de la taxe d’abonnement pourraient voir ce montage considéré comme inopposable et seraient redevables de la taxe. Prudence donc ! « Il faudrait notamment justifier du fait que la société a été créée et les titres y ont été apportés dans un but autre que celui d’éviter la taxe de 0,15%. Il n’est pas exclu que l’administration fiscale cherche à utiliser cette mesure anti-abus pour tenter de remettre en cause les schémas dans lesquels un contribuable logerait ses comptes-titres dans une assurance-vie souscrite spécifiquement à cette fin. Ce risque est d’ores et déjà à nuancer étant donné que le recours à une assurance-vie est généralement justifié pour des motifs autres que fiscaux. Il convient d’examiner chaque situation », ajoute Grégory Homans.
Quand la taxe entrera-t-elle en vigueur ?
Le Conseil d’Etat a condamné la première version du gouvernement le 11 octobre dernier pour plusieurs raisons. La première était que les actions non cotées n’étaient pas visées. Cette version a été corrigée. La deuxième remarque concernait le fait que seules les personnes physiques étaient redevables. Ce point n’a pas été amendé par le gouvernement. La troisième remarque faisait référence au fait que les titres nominatifs n’entraient pas dans le champ d’application. Ce point n’a pas été revu par le gouvernement pour protéger les PME et les sociétés familiales.
La nouvelle mouture sera renvoyée devant le Conseil d’Etat et rien ne dit qu’elle sera acceptée telle quelle. Lorsqu’elle sera acceptée, elle entrera en vigueur le 1er janvier 2018. Cependant les difficultés d’application laissent présager qu’elle pourrait subir le même sort que la taxe sur les plus-values, à savoir… être abandonnée. La suite au prochain épisode !
Isabelle de Laminne (27 octobre 2017)
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