Publié le 19 mai 2025
Sur le plan patrimonial, l’arrivée des nouveaux gouvernements fédéral et régionaux s’accompagne avant tout de nouveautés fiscales.
Au niveau fédéral, la coalition Arizona va notamment instaurer une nouvelle taxe sur les plus-values, prudemment baptisée « contribution de solidarité ».
« Une dénomination choisie avec soin pour ne pas heurter les sensibilités », s’amuse Me Grégory Homans, associé gérant du cabinet d’avocats fiscalistes Dekeyser & Associés.
« Prévue pour 2026, cette taxe de 10 % s’appliquera aux plus-values effectivement réalisées, c’est-à-dire lors de la vente de certains actifs. Sont notamment visés les actions, les obligations, les parts de fonds d’investissement et les contrats d’assurance de branche 21 et 23. L’inclusion des produits d’assurances-vie constitue une petite surprise dans le paysage fiscal belge. En effet, jusqu’à présent, les assurances-vie bénéficiaient d’un régime fiscal distinct plus light que celui des autres avoirs financiers », précise Me Grégory Homans.
Plusieurs mécanismes d’allègement sont actuellement en discussion : Exonération d’une première tranche de 10.000 euros (indexée) par an ; possibilité de déduire les moins-values enregistrées durant la même année ; exemption des plus-values historiques, soit celles générées avant le 1er janvier 2026 pour les avoirs détenus antérieurement, la base imposable étant déterminée suivant la valeur des actifs au 31 décembre 2025 (ou à la date d’acquisition si cela est plus favorable au contribuable) ; exonération des plus-values sur des actifs détenus depuis plus de dix ans ; régime fiscal favorable pour les actionnaires familiaux jusqu’au 4e degré détenant au moins 20 % d’une entreprise.
Entre simplification et pièges
Du côté des bonnes nouvelles, « le législateur a opté pour une simplification du traitement fiscal des plus-values et ce, en supprimant la taxe Reynders applicable à certains fonds investissant en obligations, ainsi que la taxe des plus-values réalisées lors d’opérations spéculatives ou excédant la gestion normale d’un bon père de famille. Dès 2026, même les plus-values dites spéculatives seront taxées à 10 %, contre 33 % jusqu’à présent », souligne l’avocat fiscaliste.
Dans le même esprit, « la taxe sera prélevée directement par les banques, préservant ainsi les contribuables d’une nouvelle charge administrative. En revanche, pour bénéficier de l’exonération sur la première tranche de 10.000 euros ou pour compenser les moins-values réalisées via une autre banque, il faudra le mentionner dans la déclaration fiscale. Cela suppose de dévoiler partiellement son patrimoine, ce qui pourrait en rebuter certains », souligne Me Homans.
Un autre point plus délicat est le traitement fiscal en cas de donation. « Si le bénéficiaire de la donation réside à l’étranger, le fisc considérera qu’il s’agit d’une vente fictive. Ce qui entraînera le paiement immédiat de la contribution de solidarité sur les plus-values latentes et ce, même si la personne gratifiée vend ultérieurement les titres reçus en réalisant une moins-value », épingle l’avocat fiscaliste.
Compte-titres et régularisation
La deuxième mesure phare du gouvernement fédéral en matière de fiscalité sur l’épargne concerne la taxe sur les comptes-titres. Si les modalités sont inchangées – une taxe de 0,15 % sur les comptes-titres dont l’encours dépasse un million d’euros –, « la coalition Arizona a décidé de s’attaquer fermement à certaines échappatoires. Parmi ceux-ci : la scission d’un compte-titres pour passer sous la barre du million d’euros ou la conversion de titres au nominatif », précise Me Grégory Homans. « Le Conseil d’Etat a toutefois précisé que seules les opérations intervenant à partir de l’entrée en vigueur de la loi pourront être concernées. »
Retenons enfin l’introduction d’une nouvelle procédure de régularisation fiscale pour les avoirs à l’étranger, la DLU quinquies. « Cette initiative vise à rationaliser les dossiers de régularisation, aujourd’hui traités au cas par cas. Mais les taux de taxation sont assez élevés : 30 % pour les revenus non prescrits, 45 % pour les capitaux fiscalement prescrits. Et ce, même pour les contribuables de bonne foi (par exemple, les héritiers) alors que l’accord de coalition du mois de janvier laissait entrevoir un régime préférentiel spécifique pour ces personnes. »
La Wallonie avant-gardiste
Côté régional, la Wallonie se démarque avec une baisse de près de moitié des droits de donation immobilière et des droits de succession. Une bonne nouvelle accueillie avec une certaine réserve par Me Grégory Homans. « Ces baisses ne sont prévues qu’à partir de 2028, et il n’est pas impossible que la Wallonie revienne en arrière pour des raisons budgétaires. »
Ensuite, cette réforme ne règle pas tous les déséquilibres. « Pour les personnes n’ayant pas réussi à avoir d’enfants, le sentiment de double peine perdure, les legs à des neveux ou nièces notamment continuant d’être fortement taxés. Par ailleurs, les tranches d’imposition n’ont pas été indexées depuis 1936, ce qui occasionne une augmentation silencieuse des droits de succession corrélative à l’inflation », relève l’avocat fiscaliste.
Dans les autres Régions, la Flandre a prolongé à cinq ans le délai de rappel fiscal pour les donations mobilières non enregistrées, comme en Wallonie. Elle a aussi annoncé une baisse substantielle de l’imposition des petits et moyens héritages qui devrait intervenir entre 2026 et 2029.
Bruxelles est toujours sans gouvernement. Toutefois, « la future coalition bruxelloise s’alignera très probablement sur ses voisines, en prolongeant le délai de rappel fiscal des donations mobilières et en réduisant les droits de succession », anticipe Me Homans.
Il insiste toutefois sur un point crucial : la baisse des droits de succession n’altère en rien l’opportunité d’une planification patrimoniale. « Au-delà du volet fiscal, l’enjeu d’une planification patrimoniale est principalement civil : organiser une succession, c’est notamment avantager un enfant en situation de fragilité, éviter les conflits ou les indivisions, protéger l’être aimé ou léguer quelque chose à des beaux-enfants. »
DEKEYSER & ASSOCIES_LE SOIR_Taxation sur les plus-values, baisse des droits de succession… les nouveautés fiscales pour les Belges_19.05.2025
Pour télécharger ou imprimer ce document PDF, veuillez cliquer sur l'icon
