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Renoncer à un usurfruit, c’est possible, mais à quel prix ?

L’usufruit s’éteint au décès de l’usufruitier, mais ce n’est pas le seul cas de figure. Un nu-propriétaire peut devenir plein propriétaire si l’usufruitier renonce à son droit.

Publié le 23 octobre 2023

Une situation de démembrement (usufruitier/nu-propriétaire) est assez fréquente suite à un héritage ou à une donation. « L’usufruit est en effet un outil souvent utilisé dans le cadre d’une planification successorale », confirme Me Grégory Homans, avocat gérant au cabinet Dekeyser & Associés.

Le scénario classique d’un démembrement est le suivant: les parents conservent l’usufruit d’un bien mobilier (par exemple, des comptes titres) ou immobilier dont les enfants sont nus-propriétaires. Au décès du ou des usufruitier(s), ils deviennent automatiquement pleins propriétaires. Mais ce n’est pas l’unique possibilité.

« La renonciation à un usufruit, réalisée sans contrepartie, ne constitue-t-elle pas une donation indirecte? Il est important de se poser cette question. »

Gregory Homans

L’usufruitier peut renoncer à tout moment à son droit d’usufruit au bénéfice du nu-propriétaire, qui devient alors plein propriétaire, par effet de la loi. Cela arrive d’ailleurs assez fréquemment. « Le nouveau Code civil reconnaît spécifiquement la possibilité de renoncer unilatéralement à un usufruit, mais il consacre en fait un usage issu de la pratique », observe Grégory Homans.

Quelles sont les démarches et les éventuelles conséquences fiscales qu’implique d’un abandon d’usufruit ?

La renonciation à un usufruit ne nécessite pas de formalité particulière, sauf si l’usufruit porte sur un bien immobilier belge. Un acte notarié est alors indispensable. La renonciation sort en outre ses effets sans requérir l’acceptation du nu-propriétaire.

Donation indirecte?

« La renonciation à un usufruit, réalisée sans contrepartie, ne constitue-t-elle pas une donation indirecte? Il est important de se poser la question », note Me Homans, rappelant que la donation directe requiert:

  • Un appauvrissement du donateur et un enrichissement de la personne gratifié;
  • Une intention libérale dans le chef du donateur;
  • L’acceptation de la donation par la personne gratifiée.

« Dans le cadre d’une renonciation à un usufruit, deux de ces points soulèvent des questions. Le régime fiscal applicable à la renonciation à un droit d’usufruit diffère, en effet, selon la nature de la renonciation ». 

Renonciation abdicative

Dans ce cas, l’usufruitier n’est pas animé par une intention libérale, mais plutôt par volonté de se soustraire à la lourdeur des obligations qui en découlent, sans contrepartie et sans volonté de gratifier le nu-propriétaire.

Si l’usufruit porte sur:

  • Un bien mobilier: la renonciation n’entraînera aucun impôt;
  • Un immeuble belge: un droit fixe général de 50 euros sera dû.

Renonciation translative

Par contre, lorsque l’usufruitier abandonne son droit d’usufruit dans le seul but d’en faire bénéficier le nu-propriétaire, il y a lieu de distinguer selon que ce transfert de droit ait été réalisé à titre onéreux ou à titre gratuit.

> À titre onéreux

Si la renonciation est réalisée à titre onéreux (moyennant paiement d’un capital et/ou d’une rente), elle sera considérée comme une donation.
Si cette donation porte sur:

  • Un bien mobilier: elle n’entraînera aucun impôt;
  • Un immeuble belge: des droits de vente (12,5% à Bruxelles et en Wallonie, 12% en Flandre) ou de partage (1% à Bruxelles et en Wallonie, 2,5% en Flandre) seront dus.

>À titre gratuit

Si la renonciation à un droit d’usufruit vise à avantager à titre gratuit (sans contrepartie) et qu’elle est acceptée par le nu-propriétaire, elle sera considérée comme une donation.

Dans ce cas, la charge de la preuve de l’intention libérale et de l’acceptation incombe à l’administration.

« Si la renonciation à un droit d’usufruit est considérée comme une donation, la charge de la preuve de l’intention libérale et de l’acceptation incombe à l’administration. » 

  1. Si le démembrement ne trouve pas sa source dans une donation enregistrée en Belgique et si la renonciation fait l’objet d’une confirmation de don présentée à l’enregistrement (ou si cette confirmation prend la forme d’un acte notarié belge): des droits d’enregistrement seront dus.
  2. Si le démembrement trouve sa source dans une donation enregistrée en Belgique: les droits d’enregistrement ont déjà été payés sur la valeur de la pleine propriété des biens donnés. La valeur de l’usufruit auquel il est renoncé a donc ainsi déjà été taxée. La renonciation à cet usufruit ne devrait ainsi plus entrainer des droits de donation. Si la renonciation fait l’objet d’une confirmation de don présentée volontairement à l’enregistrement, elle ne sera soumise qu’au droit fixe de 50 euros, à condition que les droits d’enregistrement de la donation initiale aient été payés par le nu-propriétaire. Or, en pratique, les droits d’enregistrement sont souvent supportés par le donateur…En Flandre, VLABEL a admis l’application du droit fixe de 50 euros, même si c’est le donateur qui a payé les droits d’enregistrement. En Région wallonne et de Bruxelles-Capitale, aucune position n’a été adoptée par l’administration fiscale centrale. « Il nous semble que de nombreux arguments plaident en faveur d’un alignement vers la position adoptée par la Flandre », conclut Me Homans.
  3. Si la donation n’a pas été enregistrée, en cas de décès du donateur dans les trois ans (cinq ans en Wallonie), il y a lieu de payer des droits de succession. « Il y a des arguments pour défendre que cette fiction ne peut s’appliquer à la renonciation à un droit d’usufruit: comment justifier le legs d’un droit viager qui s’éteint au jour du décès », interroge Gregory Homans. « Et à supposer que cette fiction s’applique, vu que le bien donné (l’usufruit donc) doit être valorisé au jour du décès du donateur, sa valeur équivaudrait à zéro »…

 

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