Publié le 9 mars 2023
Source : La Libre Eco, le 9 mars 2023
Réforme fiscale et trésorerie de société : tout n’est pas perdu
Profitez des liquidités de votre société de manière optimale, et ce, en anticipant la réforme fiscale annoncée ! Une chronique signée par Sébastien Thiry et Grégory Homans, avocats chez Dekeyser
Votre société dispose d’une trésorerie après avoir honoré ses engagements ? Voici comment l’utiliser de manière efficace sur le plan fiscal, en tenant déjà compte du projet de réforme fiscale publié début mars.
1. VVPRbis, des dividendes à taux réduits
La trésorerie peut être distribuée sous forme de dividende aux actionnaires. Ces dividendes sont en principe taxés à 30 %. Cet impôt peut être réduit à 15” % à certaines conditions (VVPRbis, pour “Verlaagde Voorheffing – Précompte Réduit”). Autre possibilité : la réduction de capital. Cette opération ne requiert plus d’office le passage auprès d’un notaire. Une réduction de capital est partiellement taxable à 30 %. Cette taxation peut être réduite via certains aménagements préalables.
Une réforme ? Le Ministre des finances semble avoir envisagé une révision du VVPRbis. Cela ne paraît toutefois plus à l’ordre du jour (du moins, pour le moment).
2. Réserve de liquidation
La société peut conserver ses liquidités tant qu’elle est active, et ne les attribuer à ses actionnaires que lors de sa liquidation. Les actionnaires seront alors redevables d’un impôt de 30 % (boni de liquidation). Cet impôt peut être ramené à 10 % via la constitution, en temps utile, de “réserves de liquidation”. Cette réserve peut aussi être distribuée de manière anticipée, moyennant un impôt complémentaire de minimum 5 %. Petite astuce : il est possible pour les actionnaires de bénéficier à tout moment des fonds correspondant à la réserve de liquidation et ce, moyennant certaines conditions.
Une réforme ? Une adaptation du mécanisme a vaguement été évoquée à l’été 2022. Aucune discussion concrète ne semble avoir été engagée depuis lors.
3. Sicav RDT, Branche 6
La société peut investir sa trésorerie (y compris celle “logée” dans la réserve de liquidation) dans un portefeuille-titres. Pour des raisons de simplification comptable, certaines sociétés recourent à une Sicav RDT. Cette dernière offre un régime fiscal favorable (exonération des dividendes et plus-values, dans une certaine mesure). Cet investissement correspond à un profil d’investissement agressif, qui ne convient pas à tous. D’autres sociétés optent pour la Branche 6. Elle permet un investissement “sur mesure” et ce, tout en bénéficiant d’un report d’impôt. Ces deux types d’investissement ne sont pas exclusifs l’un de l’autre et peuvent utilement se combiner.
Une réforme ? La fiscalité favorable de la Sicav RDT serait indirectement impactée par la réforme du régime d’exonération des dividendes et plus-value (RDT). Wait and see…
4. Un engagement individuel de pension
La société peut cotiser pour la pension complémentaire de son dirigeant via un engagement individuel de pension (EIP). Celui-ci est alimenté au moyen de primes périodiques (une prime de rattrapage couvrant certaines années d’activités du dirigeant préalables à l’EIP est possible). Le dirigeant bénéficiera en principe de ce capital lorsqu’il prendra sa pension. Il existe toutefois des manières lui permettant d’en profiter anticipativement (entre autres dans le cadre d’un achat ou de travaux immobiliers). D’un point de vue fiscal, l’EIP offre un double avantage : (i) la taxation du capital à un taux favorable dans le chef du dirigeant, (ii) la déduction des primes dans le chef de la société dans une certaine limite. Suite à la récente réforme des pensions, cette déduction a été restreinte, parfois de manière significative. Ceci amène les dirigeants à adjoindre d’autres formules à leur EIP.
Une réforme ? Les primes EIP seraient limitées fiscalement à un pourcentage de la rémunération du dirigeant (suppression de la règle dite des “80 %”). Alternative envisagée ? Taxer davantage le capital EIP au-delà d’un certain montant. Ceci impacterait notamment certains achats immobiliers financés via EIP. Des aménagements seraient le cas échéant possibles.
5. Une vente de la société
L’actionnaire peut vendre sa société et ce, sans en sortir au préalable les liquidités. Lors de cette vente, l’actionnaire réaliserait une plus-value sur actions. Celle-ci peut être exonérée d’impôt si elle entre dans le cadre de la gestion normale d’un patrimoine privé. Plusieurs décisions de Cours et Tribunaux ont récemment remis en cause cette exonération sur base de la mesure anti-abus (1). La prudence s’impose !
Une réforme ? Une taxation généralisée au taux de 15 % des plus-values sur actions est envisagée dans la seconde vague de la réforme. A suivre.
6. D’autres pistes à explorer
Il existe de nombreuses autres manières pour une société d’utiliser sa trésorerie : investissements immobiliers (prudence face à une éventuelle suppression de l’“ATN logement”), distribution à l’administrateur sous forme de tantièmes, etc. Au final, ces méthodes sont souvent combinées entre elles. Un spécialiste aidera la société à auditer ses besoins, à identifier les formules rencontrant ceux-ci et à les mettre en œuvre de façon sécurisée.
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