Montages fiscaux: l’avocat ne devra pas dénoncer son client
Publié le 19 janvier 2024
La Cour constitutionnelle annule des textes légaux qui empêchaient un avocat de se prévaloir du secret professionnel pour ne pas déclarer un dispositif fiscal.
Le secret professionnel des avocats prévaut plus que jamais sur les obligations de déclaration de montages fiscaux. Dans plusieurs arrêts rendus le 11 janvier dernier, la Cour constitutionnelle a confirmé que la loi ne pouvait pas contraindre un avocat à dénoncer un dispositif fiscal de son client, dont il aurait appris l’existence dans l’exercice de sa profession.
La haute juridiction a annulé plusieurs dispositions légales fédérales, régionales et communautaires qui empêchaient un avocat de se prévaloir de son secret professionnel ou qui lui imposaient d’informer d’autres intermédiaires de l’existence d’un montage fiscal. Cette affaire est due à la transposition, en droit belge, de la directive européenne « Dac 6 », qui instaure une déclaration des dispositifs fiscaux internationaux agressifs par différents intermédiaires, tels que des conseillers financiers, conseillers fiscaux, etc.
La directive autorise toutefois les pays européens à dispenser les intermédiaires de cette obligation de déclaration quand elle est contraire au secret professionnel. La Belgique a recouru à cette faculté, mais partiellement.
« En Belgique, l’avocat doit ainsi avertir les éventuels autres intermédiaires concernés par le dispositif qu’il ne peut pas réaliser le reporting requis et que celui-ci leur incombe« , explique Grégory Homans, associé gérant du cabinet Dekeyser & Associés. « En l’absence d’autres intermédiaires, l’avocat doit aviser le client lui-même et lui signaler qu’il doit ainsi assumer lui-même les obligations déclaratives. »
Plusieurs recours
Mais cette dernière exception n’est pas applicable pour des dispositifs fiscaux commercialisables, c’est-à-dire ceux qui sont prêts à être mis en œuvre sans avoir à être adaptés de manière significative.
Les règles ont fait l’objet de plusieurs recours introduits par les ordres des avocats du pays. « Dans un arrêt du 15 septembre 2022, la Cour constitutionnelle belge a rappelé que les informations connues de l’avocat dans le cadre de l’exercice des activités essentielles de sa profession demeurent couvertes par le secret professionnel« , rappelle Me Homans. « Elle a ainsi étendu l’exception « secret professionnel » aux dispositifs commercialisables. »
De plus, « dans un arrêt du 8 décembre 2022, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé que la notification par les avocats aux éventuels autres intermédiaires constituait une ingérence grave dans le droit au respect de la vie privée et que celle-ci violait ce droit ainsi que le secret professionnel des avocats », précise Grégory Homans.
Ces « autres intermédiaires » peuvent être des conseillers patrimoniaux, des conseillers fiscaux, etc. La loi belge prévoyait de faire peser sur ceux-ci l’obligation de déclarer au fisc le montage fiscal, étant donné que l’avocat ne pouvait effectuer cette déclaration sans violer son secret professionnel. Mais la CJUE a considéré qu’obliger l’avocat à informer ces intermédiaires de la situation violait également ce secret professionnel.
Normes annulées
La Cour constitutionnelle a eu à se prononcer à nouveau sur ces cas très récemment. « Par quatre arrêts du 11 janvier, la Cour constitutionnelle belge vient de confirmer sa jurisprudence de 2022 ainsi que celle de la CJUE », explique Me Homans.
« Elle a notamment annulé plusieurs dispositions des législations fédérales, wallonne, bruxelloise et de la Communauté française transposant la directive Dac 6. Parmi les mesures annulées figurent les dispositions qui imposent une obligation de déclaration rétroactive, l’impossibilité, pour un intermédiaire tenu au secret professionnel, de se prévaloir du secret professionnel en ce qui concerne l’obligation de déclaration périodique des dispositifs commercialisables, et l’obligation pour un avocat qui invoque le secret professionnel d’informer un autre intermédiaire qui n’est pas le client. »
La haute cour confirme ainsi que l’avocat ne peut être tenu de transmettre à un tiers des informations qui tombent sous le coup de son secret professionnel, même en application de la directive Dac 6.
« En 2022, la Cour constitutionnelle a rappelé que les informations connues de l’avocat dans le cadre de sa profession sont couvertes par le secret professionnel. »
Grégory Homans
Associé gérant du cabinet Dekeyser & Associés
Le Soir - Montage fiscaux, l'avocat ne devra pas dénoncer son client