Publié le 16 octobre 2025
La Cour de cassation a cassé un arrêt de la cour d’appel de Mons ayant retenu la responsabilité de l’État pour le dommage lié à une taxe annulée dont les effets ont été maintenus.
Victoire en justice pour l’État belge. Dans un arrêt prononcé le 5 septembre, la Cour de cassation exonère le législateur de sa responsabilité en cas de maintien des effets d’une loi annulée par la Cour constitutionnelle. En conséquence, la haute juridiction casse un arrêt de la cour d’appel de Mons qui avait condamné l’État belge à dédommager un contribuable ayant dû payer une taxe annulée mais aux effets temporairement maintenus.
La taxe en question était la « fairness tax », un impôt minimum sur les sociétés. Mal emmanchée, cette taxe violait le droit européen et la Constitution. La Cour constitutionnelle l’avait donc annulée en 2018. Mais pour éviter un casse-tête administratif avec des remboursements rétroactifs, la juridiction constitutionnelle avait maintenu les effets de la taxe pour les années 2013 à 2017.
Une société ayant dû payer la taxe ces années-là a estimé qu’en tant que législateur, l’État belge avait commis une faute en violant des normes supérieures, et que cette faute lui avait occasionné un dommage, à savoir l’obligation de payer un impôt qu’elle n’aurait jamais dû payer si le législateur n’avait pas été fautif.
La Cour de cassation donne raison à l’État belge
La cour d’appel de Mons ayant accédé à la demande de dédommagement de la société à charge de l’État belge, ce dernier s’était pourvu en cassation.
Et la Cour de cassation vient de donner raison à l’État belge. Elle rappelle tout d’abord que des dispositions légales donnent une autorité absolue de chose jugée aux arrêts d’annulation de la Cour constitutionnelle, et que ces dispositions autorisent cette même Cour constitutionnelle à maintenir les effets des textes légaux annulés, provisoirement ou à titre définitif, si elle l’estime nécessaire.
« Il résulte de ces dispositions que, lorsque la Cour constitutionnelle rend un arrêt d’annulation, l’autorité absolue de la chose jugée qui s’y attache s’étend à la décision de maintenir provisoirement ou définitivement des effets des dispositions annulées », décide la Cour de cassation.
« Cette décision fait dès lors obstacle à ce que le juge judiciaire retienne la responsabilité du législateur en raison de l’inconstitutionnalité de la norme annulée lorsque le dommage invoqué découle, soit des effets de la norme considérés comme définitifs, soit de l’application de la norme pendant la période au cours de laquelle ses effets ont été maintenus », conclut la plus haute juridiction belge.
De quoi dissuader des contribuables d’agir en justice
Autrement dit, le maintien (provisoire ou définitif) des effets d’une loi annulée prive le justiciable ayant subi les effets de cette loi de la possibilité d’invoquer la responsabilité de l’État pour obtenir un dédommagement en justice. La cour d’appel de Mons ne pouvait donc pas juger l’État belge responsable du dommage invoqué par la société ayant payé la fairness tax.
« La Cour de cassation casse aujourd’hui cet arrêt (de la cour d’appel de Mons, NDLR) en confirmant que la seule inconstitutionnalité ne suffit pas à fonder la responsabilité de l’État législateur », analyse Grégory Homans, associé-gérant du cabinet Dekeyser & Associés.
Cet arrêt de cassation pourrait dissuader des contribuables de réclamer, en justice, un dédommagement dans le cas où des impôts violant des principes fondamentaux sont prélevés avant d’être finalement annulés.
La décision de la haute juridiction allège par ailleurs la pression sur l’État belge: dans le cas où, en légiférant, il commettrait une faute en violant une norme supérieure, il ne risque pas de voir sa responsabilité mise en cause si la loi adoptée est finalement annulée tout en voyant ses effets maintenus.
DEKEYSER & ASSOCIES_ECHO_L'État exonéré de responsabilité en cas de taxe mal ficelée_16.10.2025
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