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Les conséquences du précompte réduit sur dividendes français

Publié le 22 janvier 2021

La nouvelle position du fisc belge sur l’impôt des dividendes d’actions françaises a plusieurs conséquences pratiques. Voici ce que l’investisseur doit savoir.

Le traitement fiscal des dividendes d’actions françaises change. Après des années de litiges judiciaires, l’administration fiscale va se conformer à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui prévoit qu’une partie du précompte mobilier français, appelée QFIE (quotité forfaitaire d’impôt étranger), doit être déduite de l’impôt prélevé par l’État belge. Il en résultera une diminution de la charge fiscale globale sur les dividendes français perçus par des investisseurs belges.

1. Quelle sera la réduction d’impôt?

Auparavant, sur un dividende de 100 euros par exemple, l’État français prélevait un précompte mobilier de 15%. Il restait donc 85 euros, montant qui subissait ensuite à son tour le précompte mobilier belge de 30%, ce qui laissait 59,50 euros à l’actionnaire. La charge fiscale globale était donc de 40,5%.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation que le fisc belge s’apprête à appliquer, l’impôt belge doit être diminué d’une partie du précompte français, la QFIE, laquelle ne peut pas être inférieure à 15%. Par conséquent, dans notre exemple, les 85 euros restants après précompte français ne subiront pas un précompte belge de 30% mais bien de 15%, ce qui laissera un montant net de 72,25 euros. L’impôt total tombe ainsi à 27,75%.

Mais il y a mieux: l’Etat français a récemment réduit son précompte à 12,80%. Encore faut-il que les banques belges appliquent ce nouveau taux, ce qui ne s’est pas fait de manière uniforme ces derniers temps. Dans ce cas de figure, si on reprend notre exemple, le montant restant après retenue à la source française s’élève à 87,20 euros. Et comme la QFIE est de 15% minimum, la Belgique ne peut retenir que 15% sur ce montant, ce qui laisse un dividende net de 74,12 euros. L’impôt intégral est ainsi diminué à 25,88%.

2. Comment bénéficier du taux réduit?

Les intermédiaires financiers (banques) belges ne se chargeront pas eux-mêmes d’imputer la QFIE française sur le précompte belge. Ce sera donc aux investisseurs à réclamer le trop-perçu. Pour ce faire, le ministre des Finances signale qu’il existe déjà un emplacement prévu à cet effet dans la déclaration fiscale, au cadre VII, rubrique F. Il sera possible de l’utiliser dès cette année pour les dividendes français perçus en 2020.

Avant tout, il faudra mentionner, dans ce cadre VII, le montant des dividendes français perçus, soit à la rubrique A.1., code 1160 (revenus dont la déclaration est facultative et qui ont subi le précompte belge de 30%) si ces dividendes ont été versés sur un compte belge, soit à la rubrique A.2., code 1444 (revenus dont la déclaration est obligatoire parce qu’ils n’ont pas subi le précompte belge de 30%) si ces dividendes ont été versés sur un compte français. Les montants à déclarer au code 1444 sont les dividendes « net frontière », c’est-à-dire les montants reçus après application du précompte français. Au code 1160, il faut déclarer le montant net, après retenue du précompte belge.

Ensuite, dans la rubrique F, il faudra préciser le pays concerné (France), le code auquel les dividendes sont mentionnés (1160 et/ou 1444), le montant total concerné (dividendes nets ou « net frontière ») et la nature de ces revenus (dividendes). Cette procédure « impliquera donc une intervention manuelle de l’administration fiscale et l’on peut dès lors se demander s’il ne serait pas plus opportun d’adapter le formulaire de déclaration« , indique François Parisis, responsable de l’ingénierie patrimoniale à la Banque Transatlantique Belgium.

3. Peut-on récupérer le trop-perçu sur les anciens dividendes?

Pour les dividendes français perçus en 2019, il est possible d’introduire une réclamation auprès de l’administration fiscale, pour autant que l’avertissement-extrait de rôle (AER) de l’exercice d’imposition 2020 ait été envoyé il y a moins de six mois.

En ce qui concerne les dividendes de 2019 pour lesquels ce délai est déjà écoulé et les dividendes perçus antérieurement, il reste encore une autre possibilité d’obtenir la réduction fiscale. Il s’agit de la procédure de dégrèvement d’office. Celle-ci « ne peut être introduite que dans certaines circonstances, comme l’apparition d’un fait nouveau », explique Grégory Homans, associé gérant du cabinet Dekeyser & Associés. « À supposer que la position de l’administration constitue un fait nouveau, il serait possible de solliciter et d’obtenir, par le biais d’une demande de dégrèvement d’office, l’application de la QFIE pour les dividendes perçus en 2015 (exercice d’imposition 2016). » La procédure de dégrèvement d’office permet en effet de remonter cinq ans en arrière. De cette manière, il serait donc possible d’obtenir le remboursement de l’impôt excédentaire sur les dividendes français perçus depuis 2015.

4. Quid si on a déjà un litige en cours?

En se basant sur la jurisprudence de la Cour de cassation, certains contribuables avaient déjà introduit des réclamations ou demandes de dégrèvement dans le passé. Si le fisc avait suspendu sa réponse dans l’attente de l’issue de procédures judiciaires en cours, il devrait à présent donner raison aux contribuables concernés. « Le fisc a d’ailleurs tout intérêt à ne pas trop tarder étant donné qu’un intérêt moratoire sera en principe dû par l’État sur le montant à rembourser », précise Grégory Komlosi, Head of Tax chez Eversheds Sutherland Belgium. « Le taux de cet intérêt s’élevait à 7% jusqu’en 2017. Il a ensuite été réduit à 2%. »

Pour les contribuables ayant introduit des réclamations ou demandes de dégrèvement pour lesquelles le fisc n’avait pas suspendu sa réponse mais avait opposé un refus, la situation est différente. Les contribuables qui n’ont pas agi en justice contre ce refus ne peuvent pas espérer un remboursement du trop-perçu pour ces dividendes-là. Ils peuvent néanmoins introduire de nouvelles procédures comme mentionné au point 3 mais pas pour les dividendes sur lesquels un refus a déjà été acté. Quid des contribuables qui ont agi en justice contre le refus du fisc et dont l’affaire est toujours en cours? « Il me paraît très vraisemblable que des conclusions d’accord entre le fisc et le contribuable, par lesquelles le fisc accepte d’appliquer la QFIE, seront établies pour les litiges en cours », estime Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé au cabinet Bloom Law. « Ces conclusions d’accord doivent ensuite être approuvées par le juge. »

5. L’impôt réduit s’applique-t-il à d’autres revenus mobiliers?

La jurisprudence de cassation à laquelle le fisc a accepté de se conformer a été forgée à partir de litiges portant sur des dividendes français. Mais « le raisonnement sous tendant cette position devrait pouvoir également s’appliquer aux intérêts de source française« , signale Grégory Homans. Les revenus d’obligations, de fonds ou encore de comptes d’épargne français devraient donc aussi bénéficier de la baisse du tarif fiscal.

Mais ce n’est pas tout. La disposition du traité fiscal franco-belge qui a donné lieu à la position de la Cour de cassation à laquelle le fisc vient de se rallier se retrouve dans d’autres conventions internationales conclues par la Belgique. « Certains traités contiennent une disposition identique ou proche« , confirme Me Homans. « Parmi ceux-ci, les traités fiscaux belgo-italien et belgo-israélien. » « Les dividendes tunisiens sont également concernés », ajoute François Parisis.

Grégory Komlosi ajoute que des dispositions similaires figurent aussi dans des conventions avec l’Australie, la Côte d’Ivoire et la Hongrie. « Cela dit, on ne peut exclure que le fisc refuse le bénéfice de la QFIE sur les revenus mobiliers provenant de ces pays-là en invoquant une quelconque différence dans le texte de la convention », avertit-il.

6. Ce régime favorable va-t-il durer?

La taxation réduite des dividendes français détaillée ici repose sur une interprétation de l’actuelle convention préventive de double imposition qui lie les États français et belge. Or, au début de l’année dernière, la France et la Belgique ont paraphé une toute nouvelle convention préventive de double imposition.

Cette dernière « prévoit clairement que la Belgique ne doit plus octroyer de crédit d’impôt sur les dividendes et intérêts de source française », explique Denis-Emmanuel Philippe. « La bonne nouvelle est qu’avant qu’elle ne rentre en vigueur, il faudra sans doute encore attendre deux ou trois ans car le traité doit être ratifié par toutes les entités fédérées. »

Reste que, une fois en vigueur, celui-ci anéantira la jurisprudence de cassation et le fisc appliquera à nouveau pleinement le double précompte. On en reviendra donc à un taux d’imposition bien plus élevé. Quand la nouvelle convention s’appliquera-t-elle? « A supposer que ce nouveau traité entre en vigueur le 1er janvier 2022, les nouvelles règles ne s’appliqueront qu’aux revenus perçus en 2022 (exercice d’imposition 2023) », explique Grégory Homans. « Il se chuchote toutefois que le nouveau traité n’entrerait en vigueur que le 1er janvier 2023 ou 2024. » La fiscalité favorable sur les dividendes français aura été éphémère…

Source  :  L’Echo

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