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Les banques vont-elles renforcer leurs contrôles de blanchiment ?

Les banques vont-elles renforcer leurs contrôles de blanchiment ?

Publié le 23 mars 2024

Une loi récente étend la notion de blanchiment d’argent à la fraude fiscale ordinaire. Les banques vont-elles devoir serrer la vis et renforcer les contrôles ?

La notion de blanchiment de capitaux est désormais étendue à toute forme de fraude fiscale, en ce compris la fraude fiscale simple. Pour les banques, qui sont impliquées dans la lutte contre le blanchiment d’argent, cela implique de nouvelles obligations, voire une nécessité de procéder à de nouveaux contrôles sur leurs clients.

Cette extension de la notion de blanchiment a été introduite par une loi datant du 26 janvier dernier, transposant une directive européenne. Auparavant, seule la fraude fiscale grave entrait dans le champ d’application du blanchiment d’argent.

La fraude fiscale grave vise des mécanismes complexes utilisés pour éluder l’impôt comme les carrousels TVA. La fraude fiscale simple vise des comportements plus ordinaires ou moins organisés, comme le fait de placer de l’argent sur un compte non déclaré à l’étranger.

Les banques doivent dénoncer leurs clients à la CTIF lorsqu’elles soupçonnent des infractions aux lois anti-blanchiment. Les banques qui ne font pas leur travail risquent des sanctions.

Les banques pourront être poursuivies

« Si, auparavant, les banques ne pouvaient pas être poursuivies pour des infractions de blanchiment liées à une fraude fiscale simple, elles peuvent désormais l’être, explique Me Grégory Homans (Dekeyser & Associés). Elles pourront toutefois se prévaloir, dans certains cas, d’une cause d’excuse absolutoire qui leur permet de ne pas être sanctionnées. Vu l’étendue des conditions à rencontrer pour bénéficier de cette cause d’excuse, il pourra cependant s’avérer compliqué pour les banques d’être assurées de pouvoir bénéficier de cette cause d’excuse », précise l’avocat.

Selon Grégory Homans (Dekeyser & Associés), cette évolution législative pourrait impacter la manière dont les banques analyseront les dossiers de rapatriement de fonds. « Il ne peut être exclu que les banques procèdent à un réexamen de certains anciens dossiers de fraude fiscale simple (éventuellement couverts par une DLU ou déclaration libératoire unique) à l’aune de la nouvelle législation. Dans le cadre de ce look-back, les principes élémentaires de droit pénal devront être respectés. »

Pas de sanction

Du côté de Febelfin, on n’est pas sur la même longueur d’ondes. La fédération du secteur bancaire minimise l’impact de la nouvelle législation. Febelfin s’appuie sur la cause d’excuse absolutoire, obtenue par le secteur dans le cadre des discussions sur la nouvelle loi.

Cette cause d’excuse implique que les banques ne pourront pas se voir imposer de peine si elles ne détectent pas les cas de fraude simple. Elles peuvent être poursuivies et condamnées, mais elles n’auront pas de sanction.

« La transposition belge de cette sixième directive anti-blanchiment de l’Union européenne entraîne la suppression de l’immunité pénale qui prévalait jusque-là pour les banques en cas de fraude fiscale simple. Mais le secteur avait longtemps plaidé en faveur d’une solution permettant précisément d’éviter aux banques d’avoir à détecter également les cas de fraude fiscale simple. D’où l’introduction de la cause d’excuse, qui permet de préserver l’exercice de notre mission actuelle de sentinelle et de maintenir l’équilibre entre les cadres préventif et répressif », indique Febelfin.

Un risque théorique

La fédération du secteur bancaire reconnaît que les banques pourront être poursuivies et condamnées si elles ne détectent pas les fraudes simples. Mais elle tempère : « Nous ne savons pas si cela se produira souvent dans la pratique. En outre, le ministère public accorde une priorité claire à la détection des fraudes fiscales graves, de sorte que ce risque semble théorique », estime Febelfin.

Un autre risque pèse sur les banques : « Si une banque est poursuivie et condamnée, elle encourt un risque réputationnel, et ce même si aucune peine n’est prononcée », souligne Gregory Homans.

L’avocat Miguel Mairlot (Ethikos Lawyers) estime aussi que les banques font face à un risque réputationnel. Mais il nuance par rapport aux nouvelles obligations de contrôle pesant sur les banques : « En présence d’un risque de fraude fiscale, les banques doivent procéder à une analyse de risque. L’obligation qui pèse sur elles est de démontrer qu’elles ont bien réalisé cette analyse de risque, qui leur a permis de conclure qu’il s’agit d’un cas de fraude fiscale simple », explique Miguel Mairlot.

En principe, les banques qui ont effectué un look-back sur les dossiers de régularisation fiscale ont procédé à une analyse de risque, précise l’avocat. « Si elles ne sont pas en mesure de démontrer qu’elles ont fait cette analyse de risque, elles sont alors tenues à un exercice de remédiation afin de documenter les cas de fraude fiscale simple ou grave« , indique Miguel Mairlot.

ECHO_Les banques vont-elles renforcer leurs contrôles de blanchiment_23.03.2024

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