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Les 4 pièges à éviter pour une succession

Muriel Michel, 15 décembre 2017

Le droit successoral civil changera le 1er septembre 2018. En cette période transitoire, au fil des cas concrets et des questions qu’ils reçoivent, les professionnels débusquent des effets (parfois) inattendus des nouvelles règles. Ce n’est pas sans incidence sur votre planification. Analyse de 4 scénarios courants.

 

Vous avez utilisé une formule générique du style « je lègue la plus grande quotité disponible à… », méfiez-vous. L’équilibre que vous aviez initialement prévu sera complètement chamboulé.

 

 

Vous avez déjà planifié votre succession ou vous vous apprêtez à le faire. Sachez que dans des situations parmi les plus communes, la réforme du droit civil successoral qui entrera en vigueur le 1er septembre prochain pourrait avoir des conséquences inattendues. Dans sa pratique quotidienne récente, Me Grégory Homans, avocat fiscaliste, associé au cabinet Dekeyser & Associés, a répertorié des scénarios classiques prisés par les familles qui seront impactés par le changement des règles. Et si vous étiez concerné?

  1. Le rapport des donations

La règle à partir du 1er septembre 2018. Seuls les descendants devront rapporter leurs donations. Les conjoints, frères, sœurs et autres membres de la famille en seront dispensés. Dans leur cas, le nouveau droit successoral suppose que vous aviez l’intention de leur octroyer définitivement cette donation. Si telle n’était pas votre intention, il faudra préciser que la donation que vous faites devra être rapportée. Mais il y a une exception!

La situation. Une formule est très prisée dans le cadre d’une planification patrimoniale: vous faites donation à votre épouse d’un portefeuille titres – issu de votre patrimoine propre — en nue-propriété, vous vous en réservez l’usufruit et vous prévoyez un rapport successoral en faveur de vos enfants. « C’est quasiment la panacée en terme d’organisation successorale. En effet, si le donateur décède avant son épouse mais plus de trois ans après la donation, le conjoint survivant ne devra payer aucun droit de succession sur le portefeuille reçu et attribuera en quelque sorte, au décès du donateur, la nue-propriété du portefeuille à ses enfants en exonération d’impôt. Au titre d’usufruitière, l’épouse gratifiée gérera le portefeuille et en percevra librement les revenus (intérêts, dividendes). À son décès, les enfants (nus-propriétaires) deviendront pleins propriétaires du portefeuille-titres sans impôt. Dans le cadre d’une planification patrimoniale, il est impossible d’exclure que la personne gratifiée vienne à décéder avant le donateur. Dans ce cas, l’époux donateur révoquera la donation et récupérera le portefeuille donné sans impôt », explique Me Homans.

Le fait qu’en droit belge les donations entre époux sont révocables à tout moment encourage sensiblement le recours à cette formule.

Qu’adviendra-t-il? Le caractère « rapportable » d’une donation (ici en avancement d’hoirie) faite sous le régime actuel sera maintenu sans formalité complémentaire. « Toutefois, suite à la réforme du droit civil successoral, le rapport pourrait ne s’effectuer qu’à la valeur au jour de la donation indexée et non à la valeur au jour du décès. Cela est susceptible d’entraîner des situations délicates (surtout si le portefeuille a augmenté de valeur). Il est ainsi prudent de faire revoir les actes de donation avant le 1er septembre 2018 pour anticiper et prévenir ces éventuels écueils« , précise l’avocat fiscaliste.

  1. La réserve des enfants

La règle à partir du 1er septembre 2018. La quotité disponible (part de votre patrimoine dont vous pouvez disposer librement pour gratifier qui bon vous semble) sera toujours équivalente à la moitié de votre héritage. Aujourd’hui, elle varie selon le nombre de vos enfants. Ce n’est pas sans incidence

La situation. Vous avez 2 enfants et un beau-fils. Vos enfants auront chacun droit à un tiers de votre héritage (leur part réservataire). Vous avez utilisé le tiers restant (la quotité disponible) pour gratifier votre beau-fils avec lequel vous avez tissé des liens forts. Pour qu’il hérite de vous, il était obligatoire de rédiger un testament en sa faveur. Vous avez utilisé une formule générique du style « je lègue la plus grande quotité disponible à mon beau-fils ».

Qu’adviendra-t-il? Après le 1er septembre 2018, la part réservataire des enfants est limitée dans tous les cas de figure à la moitié du patrimoine. Chacun de vos deux enfants aura droit ainsi à sa part réservataire (1/4), tandis que votre beau-fils héritera de la quotité disponible (1/2)! L’équilibre que vous aviez prévu initialement sera donc complètement chamboulé. Votre beau-fils que vous souhaitiez mettre à égalité avec vos enfants se verra in fine attribuer la moitié de votre succession, alors que vos deux enfants se partageront l’autre!

Me Homans suggère dès lors de prévoir deux versions de votre testament. « Une première partie détaillant les souhaits patrimoniaux du testateur au cas où il viendrait à décéder avant le 1er septembre 2018 et une seconde relative à ses souhaits s’il venait à décéder après le 1er septembre 2018 ». Même si personne n’envisage de décéder à très bref délai (sauf pour des raisons objectives de grande vieillesse ou de maladie grave), cela peut s’avérer opportun. « Un testament n’est pas immuable. Il est possible d’en rédiger plusieurs consécutivement (les nouveaux annulent les précédents) et ce, pour tenir compte de l’évolution de sa situation personnelle et patrimoniale. Il est parfaitement possible de rédiger un testament olographe annulant un testament notarié. Il faut par contre s’assurer que le testament sera trouvé », souligne Grégory Homans.

  1. Le dénouement d’une police d’assurance

La règle à partir du 1er septembre 2018. On présumera que le dénouement d’une police d’assurance est assimilé à une donation par avancement d’hoirie. Il sera cependant possible de déroger à la règle en prévoyant expressément le contraire.

La situation. Vous souhaitez favoriser discrètement votre fils qui gagne beaucoup moins bien sa vie que sa sœur. Sachant que chacun d’eux a droit à un tiers de votre héritage (leur part réservataire), vous souscrivez avec la quotité disponible (le dernier tiers) un contrat d’assurance au profit de votre fils. Le dénouement de ce contrat est assimilé à une donation par préciput et hors part (NDLR: même s’il est possible de prévoir expressément le contraire). Cette donation s’impute donc sur la quotité disponible. Votre fils recevra ainsi 2/3 de votre patrimoine et votre fille un tiers.

Qu’adviendra-t-il? Si vous décédez après le 1er septembre 2018, la donation qui devait s’imputer sur la quotité disponible s’imputera, dans certaines circonstances, sur la part de votre fils. Il ne recueillera donc rien de plus que sa part.

« Si le père souhaite s’assurer que sa volonté initiale soit respectée, il devra, le cas échéant, aménager sa situation. Cela prendra notamment la forme d’un avenant à la police précisant que le dénouement de celle-ci doit revenir à son fils par préciput et hors part », note Me Homans.

  1. L’usufruit continué du conjoint survivant

La règle à partir du 1er septembre 2018. Le conjoint n’a plus droit au rapport et ne doit plus le rapporter… mais bénéficie d’un droit à un « usufruit continué ».

La situation. Vous faites fait don à vos enfants d’un portefeuille- titres et vous vous en réservez l’usufruit. Actuellement, le conjoint survivant ne peut obtenir, à défaut d’aménagements particuliers, qu’une rente viagère en remplacement de l’usufruit du donateur qui s’éteint au décès de celui-ci.

Qu’adviendra-t-il? À partir du 1er septembre 2018, le conjoint exercera d’office l’usufruit continué sur le portefeuille-titres donné. Me Homans pointe la controverse sur la qualification fiscale de celui-ci. « Soit, il s’agit d’une exception au principe selon lequel le conjoint survivant n’a pas droit au rapport, soit, il s’agit d’un usufruit successoral. Selon le cas, des droits de succession seront dus ou non par le conjoint survivant ». Par prudence, l’avocat fiscaliste recommande dès lors de « prévoir des aménagements pour éviter ces éventuelles frictions fiscales ».

 

Source : L’Echo

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