Publié le 10 mai 2025
En cas de donation d’actifs à un étranger, la taxe sur les plus-values s’appliquera immédiatement, ce qui ne sera pas le cas lors d’une donation entre Belges.
Un nouveau détail de la taxe sur les plus-values risque de s’avérer problématique. L’application de la taxe en cas de donation à un contribuable établi à l’étranger pourrait violer le principe d’égalité et de non-discrimination et alimenter des recours en annulation devant la Cour constitutionnelle.
Pour comprendre ce problème, il faut se rappeler que la taxe de 10% sur les plus-values sur actifs financiers s’appliquera, en principe, uniquement lors de la vente des actifs en question. Il n’y a donc pas d’impôt sur les plus-values latentes: si les actifs financiers ont pris de la valeur mais ne sont pas vendus, la taxe ne s’appliquera pas.
Toutefois, afin de fermer une éventuelle porte de sortie pour des contribuables désireux d’échapper à la taxe, l’avant-projet de loi du ministre des Finances, Jan Jambon (N-VA), prévoit une exception à ce principe. Si un contribuable part à l’étranger, cette expatriation sera assimilée à une vente des actifs et la taxe s’appliquera malgré l’absence de cession effective des actifs. Ce dispositif, appelé « exit tax » (taxe à la sortie), doit permettre à l’État belge de préserver son pouvoir d’imposition en cas d’émigration de contribuables sous des cieux fiscaux plus cléments.
Dans la même logique, l’exécutif fédéral entend aussi assimiler à une vente d’actifs financiers une donation de ces actifs à un contribuable étranger. L’avant-projet dispose que « toute cession à un contribuable non-résident » est assimilée à « une cession à titre onéreux », soit une vente.
Différence de traitement
Le gouvernement justifie cette mesure dans son exposé des motifs: « En cas de cession sans contrepartie d’un actif financier à un contribuable qui n’est pas un habitant du Royaume, il existe un risque que ce bien sorte du champ d’imposition de la Belgique sans que la plus-value latente sur cet actif financier ne soit imposée en Belgique. Ainsi, assimiler un tel transfert à une cession à des fins onéreuses permet d’éviter que le régime ne soit contourné par un transfert sans contrepartie à des contribuables non-habitants du Royaume. »
Mais avec cette assimilation d’une donation à une vente, l’État belge pourrait bien violer le principe constitutionnel d’égalité et de non-discrimination. Grégory Homans, avocat associé gérant chez Dekeyser & Associés, s’interroge sur « la différence de traitement entre, d’une part, une donation à un résident belge entraînant un différé d’imposition jusqu’à la réalisation effective de la plus-value et, d’autre part, une donation à un non-résident belge entraînant une taxation immédiate des plus-values latentes ».
En effet, en cas de donation entre contribuables belges, la taxe sur les plus-values touchera le bénéficiaire seulement lorsqu’il revendra les actifs financiers qu’il avait reçus à titre gratuit. Tandis que lors d’une donation entre un Belge et un étranger, la taxe s’appliquera immédiatement alors que l’éventuelle revente n’aura lieu que plus tard, et peut-être même sans plus-value! Peut-on justifier cette différence de traitement sur la base de la seule résidence fiscale du bénéficiaire?
Donation avec réserve d’usufruit
De plus, « cette imposition immédiate questionne si le donateur se réserve un usufruit lui permettant de bénéficier des éventuelles plus-values réalisées », avertit Grégory Homans. Une donation sous réserve d’usufruit permet au donateur de céder seulement la nue-propriété et de conserver les « fruits » du bien transmis. En l’occurrence, la plus-value sur des actifs financiers, réalisée plus tard par le bénéficiaire de la donation, résident fiscal étranger, reviendrait au donateur belge… alors que la taxe se serait déjà appliquée au préalable au moment de la donation.
Enfin, le traitement fiscal d’une plus-value après donation d’un résident étranger à un résident belge pourrait aussi poser un problème. En effet, pour valoriser les actifs financiers transmis, on se référerait, en cas de donation entre Belges, à la valeur lors de l’achat des actifs par le donateur, tandis qu’en cas de donation d’un résident étranger à un contribuable belge, c’est la valeur lors de la donation qui serait prise en compte.
« Si la personne gratifiée (le bénéficiaire de la donation, NDLR) vend les actifs reçus, la contribution sera calculée sur le prix de vente diminué de la valeur d’acquisition dans le chef du donateur résident belge, alors qu’elle sera due sur le prix de vente diminué de la valeur des actifs lors de la donation si le donateur n’est pas résident fiscal belge« , détaille Me Homans.
Selon ce spécialiste de la fiscalité, « la Cour Constitutionnelle pourrait être amenée à se prononcer sur ces sujets et, le cas échéant, à condamner la contribution de solidarité ».
DEKEYSER & ASSOCIES_ECHO_La taxe sur les plus-values heurte les donations étrangères_10.05.2025
