_La_Cour_Constitutionnelle clarifie le champ d'application du régime VVPRbis
La Cour constitutionnelle clarifie le champ d’application du régime VVPRbis
22 Janvier 2025
Un débat sur la discrimination
La Cour constitutionnelle vient de rendre un arrêt qui exclut les apports de créances du régime VVPRbis. Une décision que certains spécialistes qualifient de « discriminatoire ».
Le 16 janvier dernier, la Cour constitutionnelle a clarifié le champ d’application du régime VVPRbis en publiant un nouvel arrêt, rappelant une distinction importante entre les apports en numéraire et les apports en nature.
L’arrêt portait plus spécifiquement sur les apports de créances dans le cadre de ce régime, qu’elles soient ou non issues d’un prêt d’argent. Une mise au point qui s’inscrit dans le cadre d’une affaire portée devant les tribunaux par une entreprise, suite au refus de l’administration fiscale de lui accorder les avantages du régime VVPRbis.
Un régime avantageux, mais strict
Pour rappel, le régime VVPRbis, très prisé par les PME, permet à ces dernières de réduire leur taux de précompte mobilier sur les dividendes distribués à leurs actionnaires. À partir du troisième exercice suivant celui de l’apport de capital, ce taux peut, en effet, être abaissé à 15% (au lieu de 30%).
Deux conditions s’ajoutent toutefois pour que ce taux soit applicable. D’une part, le capital concerné doit provenir d’apports en numéraire (il doit s’agir de liquidités, et non de biens immobiliers, par exemple), ce qui exclut les apports en nature. D’autre part, les montants injectés doivent avoir été « entièrement libérés », ce qui signifie que l’intégralité du montant promis par les actionnaires lors de la souscription au capital devra avoir été versé à la société.
Rejet du fisc
Or, il se trouve qu’en 2013, deux entrepreneurs ont créé une société avec un capital social de 18.600 euros, dont un tiers seulement avait été libéré en numéraire (donc apporté avec des liquidités). En 2019, l’un d’eux a donc choisi de libérer le reste du capital, soit 12.400 euros, en apportant une créance en compte courant d’associé dont il disposait à l’égard de la société.
Rejet du fisc
Cependant, en 2019 et 2020, lorsque la société a appliqué un précompte de 15% sur l’argent redistribué aux associés (100.000 euros et 60.000 euros), l’administration fiscale lui a refusé l’octroi de ce taux.
En effet, selon le fisc, la créance de 12.400 euros ne constituait pas un apport en numéraire. « Les créances sont considérées comme des apports en nature. Elles sont donc exclues du champ d’application de ce régime avantageux », explique Sébastien Thiry, avocat fiscaliste chez Dekeyser et Associés.
Le 16 janvier, la Cour constitutionnelle a tranché, réaffirmant que les créances ne pouvaient en aucun cas être considérées comme des apports en numéraire.
La Cour constitutionnelle a tranché
Estimant cette décision du fisc injuste, la société a alors contesté cette exclusion devant le Tribunal de première instance de Liège. Ce dernier a, à son tour, interrogé la Cour constitutionnelle pour savoir si l’exclusion des apports de créances était conforme à la constitution, en invoquant des principes d’égalité et de non-discrimination.
Le 16 janvier, la Cour constitutionnelle a tranché, réaffirmant que les créances ne pouvaient en aucun cas être considérées comme des apports en numéraire.
Par ailleurs, elle a rappelé que cette distinction visait à favoriser l’arrivée d’argent frais dans les PME, cela tout en limitant les risques d’abus. En effet, « une créance ne résultant pas toujours d’un prêt d’argent (cela pourrait être une créance du prix de vente d’un actif: immobilier, voiture, actions de sociétés), la valeur de celle-ci pourrait être volontairement surévaluée », explique François Collon, avocat fiscaliste.
Un débat sur la discrimination
L’approche est, en effet, jugée injuste dans le cas où la créance résulterait d’un prêt d’argent. « Exclure également des créances spécifiquement issues d’un prêt d’argent (preuve à l’appui) est disproportionné et donc discriminatoire, puisque dans les faits, l’opération serait identique à celle d’un apport de capital en numéraire », argumente Sébastien Thiry.
Cet arrêt pourrait pénaliser les dirigeants qui soutiennent financièrement leur entreprise via leur compte courant d’associé.
Ce mécanisme, pourtant fréquent, constitue souvent une bouée de sauvetage pour la survie des PME, leur permettant de surmonter des difficultés de trésorerie ou de financer leur croissance. Une situation qui pousse à s’interroger sur les limites d’un cadre fiscal parfois en décalage avec les réalités économiques. À bon entendeur…
Pour télécharger ou imprimer ce document PDF, veuillez cliquer sur l'icon