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Indépendant : quel cadre fiscal privilégier pour vos achats et vos investissements immobiliers ?

Publié le 21 février 2025

Face aux évolutions fiscales et aux contraintes budgétaires, les indépendants doivent réfléchir aux meilleures options pour financer et structurer leurs investissements immobiliers. Tour d’horizon.

Vaut-il mieux louer ses locaux ou en devenir propriétaire? Voilà une question que se pose, tôt ou tard, tout indépendant soucieux de maîtriser ses charges et d’assurer la stabilité de son activité.

L’acquisition apparaît alors comme une option stratégique, car elle permet de s’affranchir des aléas locatifs, d’ancrer son entreprise dans la durée et de mieux contrôler ses charges fixes. Mais encore, au-delà de la recherche de stabilité, investir dans l’immobilier répond souvent à une logique patrimoniale.

Cette dynamique est d’ailleurs particulièrement perceptible chez les entrepreneurs qui, après avoir acquis leur résidence principale, cherchent à diversifier leur patrimoine: alors que certains choisissent d’acheter un bien pour y installer leur activité, d’autres privilégient l’investissement locatif afin de renforcer leur capital pour leur retraite.

Toutefois, si l’immobilier représente une opportunité, il implique également des choix qui ne doivent pas être laissés au hasard: quelle que soit votre approche, cela nécessitera une réflexion approfondietant sur le plan financier que fiscal. Une exigence devenue d’autant plus forte suite au nouvel accord gouvernemental, qui prévoit que l’Engagement Individuel de Pension (EIP) ne pourra plus être utilisé que pour l’acquisition d’une habitation propre.

Bien que cette information reste, pour l’heure, hypothétique, cette éventualité rappelle que les indépendants ne sont jamais à l’abri d’une surprise.

Face à ce changement en vue, quelles sont donc les alternatives ou les leviers fiscaux envisageables? Comment financer intelligemment un achat ou un investissement immobilier? En compagnie de spécialistes, nous faisons le point.

Qu’est-ce que l’EIP et comment l’utiliser pour votre immobilier?

L’EIP (Engagement individuel de pension) est un plan d’épargne que vous pouvez directement financer avec votre société. Cela permet de maximiser l’épargne tout en respectant la règle des 80% (le montant des pensions légale et complémentaire ne pourra dépasser 80% de votre rémunération brute annuelle).

En tant que dirigeant d’entreprise, vous restez bénéficiaire des sommes épargnées, même si vous quittez l’entreprise ou si vous faites faillite. À noter qu’une taxe sur les assurances (4,4%), une cotisation Inami (3,55%) et une cotisation de solidarité (entre 0 et 2%) sont retenues sur les primes, et que le capital de votre pension complémentaire sera soumis à un taux d’imposition distinct (en général 16,5%).

Pour l’heure, les montants mobilisés pour votre EIP peuvent encore être injectés comme fonds propres si vous souhaitez acquérir un bien (que ce soit, ou non, pour votre habitation propre) sans avoir à dégager des liquidités.

Le nouvel accord gouvernemental prévoit toutefois de limiter, dans le futur, cette possibilité à l’habitation propre.

 

1/ Financer votre bien avec un « crédit dividendes »

La réserve de liquidation et le VVPRbis constituent des outils essentiels d’optimisation fiscale pour les dirigeants de PME.

Ils permettent en effet de distribuer des dividendes à un taux de précompte mobilier réduit (au lieu de 30%) sous réserve du respect d’un certain délai.

Ainsi, actuellement, la réserve de liquidation offre la possibilité de bénéficier d’un taux de précompte mobilier réduit de 5% après cinq ans (0% quand l’entreprise est liquidée) tandis que le VVPRbis permet d’appliquer un taux de 15% à partir du troisième exercice suivant l’apport de capital neuf (à noter que l’accord gouvernemental prévoit, ici aussi, une uniformisation des deux régimes).

Toutefois, au-delà de leur dimension fiscale, ces dispositifs peuvent également être envisagés comme des leviers pour financer des investissements immobiliers.

 

> Pourquoi est-ce avantageux ?

En effet, lorsqu’un entrepreneur souhaite financer un achat immobilier, la banque exige généralement de démontrer des revenus suffisants pour rembourser l’emprunt. Dans le cadre d’un investissement privé, cela peut impliquer une augmentation de la rémunération du dirigeant de société. Or, comme vous le savez, cette rémunération est soumise à l’impôt des personnes physiques (IPP), donc à un taux pouvant atteindre rapidement 50%, en plus des cotisations sociales, ce qui n’est pas forcément avantageux.

C’est là que ce que l’on appelle un crédit dividendes peut être envisagé. « Plutôt que d’augmenter sa rémunération de manière fiscalement coûteuse, l’entrepreneur pourra planifier le paiement du crédit immobilier en fonction des flux de trésorerie libérés par ces réserves« , explique Isabelle Riera, spécialiste en fiscalité de la banque Van Breda.

 

> Une forme de « crédit bullet »

Ainsi, dans la pratique, « un entrepreneur possédant cinq réserves de liquidation de 100.000 euros (nette de précompte mobilier) et souhaitant acquérir un bien immobilier de 500.000 euros en vue d’un investissement privé, pourrait tout à fait structurer son financement en calquant les échéances de son prêt sur les sorties de cash prévues dans le cadre de ses réserves », explique Alexandre Deschuyteneerexpert-comptable et fiscal certifié au Bureau fiduciaire Lerminiaux (PiaGroup).

Cette logique suivrait donc celle d’un crédit bullet, où le remboursement du capital emprunté serait aligné sur le timing des distributions des réserves.

Attention toutefois: « Certaines banques plus spécialisées dans l’accompagnement des indépendants se montrent plus ouvertes à ce raisonnement, car leurs interlocuteurs sont familiarisés avec les mécanismes fiscaux des sociétés de management, tandis que d’autres y seront beaucoup moins réceptives », poursuit Alexandre Deschuyteneer.

 

> Quid pour un investissement via votre société?

Mais encore, puisque les réserves ne sont que des écritures comptables, les fonds restent immobilisés dans la société tant que les dividendes ne peuvent être distribués. Durant cette période, ils peuvent donc être investis dans divers produits financiers, y compris de l’immobilier.

À noter toutefois qu’un tel placement nécessitera davantage de vigilance, car cela pourra mobiliser une grande partie du cash disponible, ce qui risquerait de compromettre le niveau de liquidités nécessaire à votre objectif initial de réserve.

 

2/ L’achat scindé avec votre société

L’achat scindé, quant à lui, repose sur la distinction, lors de l’achat, entre l’usufruit (le droit d’utiliser le bien et d’en percevoir les revenus sans en être propriétaire) et la nue-propriété (posséder le bien sans pouvoir l’utiliser ni en percevoir les revenus tant que dure l’usufruit).

Ce mécanisme permet alors à l’entrepreneur de répartir les droits de propriété entre lui-même et sa société:

  • L’usufruit, sera alors souvent acquis par une société, ce qui permettra à cette dernière d’exploiter le bien, d’en percevoir les loyers et d’en supporter les frais d’entretien et d’amortissement;
  • La nue-propriété sera généralement détenue par le dirigeant à titre privé, qui récupérera la pleine propriété du bien à l’extinction de l’usufruit.

 

> Pourquoi est-ce avantageux?

Vous l’aurez compris, l’un des principaux atouts de l’achat scindé réside dans son efficacité fiscale. De fait, l’usufruit acquis par la société permet de déduire les amortissements et les charges associées au bien, réduisant ainsi l’impôt des sociétés.

Par ailleurs, « les droits d’enregistrement et les frais accessoires à l’acquisition seront déductibles à l’Isoc l’année de l’acquisition. À noter que les intérêts d’emprunts souscrits par une société dans le cadre de l’achat d’un immeuble demeure déductible », explique Gregory Homans, associé gérant du cabinet d’avocats fiscalistes Dekeyser & Associés.

Mais encore, le dirigeant évitera une sortie de liquidités immédiate. De fait, s’il devait acheter le bien en pleine propriété, il serait contraint de sortir directement des fonds sous forme de dividendes, ce qui entraînerait une imposition au précompte mobilier de 30%. Avec l’achat scindé, il conserve ces liquidités et optimise sa structure d’investissement.

 

> À quoi devez-vous faire attention?

Attention toutefois, cette stratégie n’est pas dénuée de risques. Par exemple, l’évaluation de la répartition entre l’usufruit et la nue-propriété est un point sensible. « Une valorisation correcte de l’usufruit est l’un des éléments essentiels du schéma », explique Grégory Homans. L’administration fiscale surveille, en effet, étroitement ce type d’acquisition et le challenge régulièrement, car il y a eu de nombreux abus.

Un autre point de vigilance réside dans la réalisation de travaux par l’usufruitier, souvent une société. De fait, l’administration fiscale surveille de près les opérations où une entreprise acquiert l’usufruit et réalise des investissements significatifs dans le bien à l’approche du terme de l’usufruit (soit, le moment où le dirigeant nu-propriétaire deviendra entier propriétaire de l’immeuble).

Exemple

Un indépendant souhaite acheter un bien immobilier destiné à un usage mixte (professionnel et privé).

Il peut structurer l’acquisition en scindant la propriété: sa société acquiert l’usufruit (à raison de 60% de la valeur) pour une durée limitée, lui permettant de comptabiliser l’investissement comme une charge déductible, tandis que lui-même achète la nue-propriété (à raison de 40%).

Au terme de l’usufruit, le dirigeant deviendra naturellement plein propriétaire sans coûts fiscaux additionnels.

 

3/ L’achat en indivision avec votre société

L’indivision, quant à elle, consiste à acheter un bien en copropriété avec un ou plusieurs autres acquéreurs.

Un cas classique serait celui d’un professionnel libéral (médecin, avocat) qui installe son cabinet dans son habitation principale. « Prenons l’exemple d’un médecin dont le cabinet occupe 20% de son habitation. Il peut structurer son achat, de manière à ce que la société acquière la partie professionnelle et lui-même la partie privée. Cela signifierait que la société détiendrait, par exemple, 20% du bien, tandis que le reste est acheté en nom propre », explique Alexandre Deschuyteneer.

Ainsi, les droits d’enregistrement, les frais accessoires à l’acquisition et les intérêts d’emprunt seront déductibles à l’Isoc. Mais encore, pendant l’indivision, cette répartition permettra à la société de déduire les frais (travaux, aménagements, etc) à sa quote-part.

L’indivision facilitera aussi la sortie d’un bien immobilier du cadre sociétaire. « Lorsque le dirigeant/associé historique reprend la part de la société dans l’immeuble, des droits de partage de 1% ou 2,5% (selon la Région) seront dus, et ce, moyennant certaines conditions », précise Grégory Homans.

 

4/ L’achat direct via votre société

Enfin, opter pour l’acquisition en société présente un intérêt particulier lorsque l’entrepreneur prévoit d’acquérir plusieurs unités (les frais liés à une société étant assez onéreux).

Attention toutefois, car en cas de revente du bien, la plus-value réalisée par la société sera soumise à l’impôt sur les sociétés, contrairement à un bien détenu en direct par un particulier, qui peut, sous certaines conditions, être exonéré d’impôt sur la plus-value.

De plus, pour récupérer les fonds issus de la vente, l’entrepreneur devra passer par une distribution de dividendes, laquelle sera taxée à son tour, avec un précompte mobilier.

DEKEYSER & ASSOCIES_ECHO_Indépendant - quel cadre fiscal privilégier pour vos achats et vos investissements immobiliers_21.02.2025

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2025-02-25T18:05:50+02:0021 février 25|