Publié le 16 septembre 2023
Constituer un dossier complet en vue de régulariser des capitaux dans le cadre de la DLU4, qui prendra fin le 31 décembre 2023, est complexe. Il est donc vivement recommandé de ne plus traîner.
Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Enfin, en principe. Car si vous avez des capitaux à régulariser, vous avez seulement jusqu’à la fin de l’année pour vous repentir dans le cadre de la DLU4, la quatrième version de la « déclaration libératoire unique » qui existe depuis 2016.
En 2024, il sera trop tard. Et selon le cabinet du ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) : « Le point de vue de l’accord du gouvernement n’a pas changé. La possibilité (NDLR : de profiter de la DLU4) cessera le 1ᵉʳ janvier 2024 ».
Que devez-vous savoir si vous n’êtes pas tout à fait « blanc » avec votre argent et que vous désirez régulariser votre situation ?
1/ Quels revenus pouvez-vous régulariser ?
La DLU4 permet de régulariser les impôts qui relèvent du pouvoir fédéral, à savoir :
- L’impôt sur les revenus (l’impôt des personnes physiques et des sociétés);
- La TVA;
- Les impôts visés par le Code des droits et taxes divers (comme la taxe de 2% sur les primes d’assurance-vie);
- Les droits d’enregistrement fédéraux.
« Pour déterminer les taux applicables, c’est le fait que les capitaux et les revenus soient fiscalement prescrits – ou non – qui joue, à la date de dépôt du dossier. »
2/ Quel prix allez-vous payer ?
Pour déterminer les taux applicables, c’est le fait que les capitaux et les revenus soient fiscalement prescrits – ou non – qui joue à la date de dépôt du dossier.
Imaginons que le dossier de régularisation soit rentré le 31 décembre 2023.
Capitaux non prescrits (perçus à partir du 1er janvier 2016) :
C’est le taux d’imposition normal majoré de 25% qui sera appliqué. Par exemple, des revenus professionnels qui auraient dû être imposés à 50% le seront à 75%. Des revenus mobiliers qui auraient dû être imposés à 30% le seront à 55%. « On voit que la régularisation de revenus non prescrits peut être onéreuse. Ainsi, la régularisation d’intérêts sur un compte à l’étranger peut conduire à un prélèvement de 55%. Pire encore : la régularisation d’honoraires perçus par un consultant sur un compte à l’étranger pourrait conduire à un prélèvement de 75% », explique Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé chez Bloom.
Capitaux fiscalement prescrits (perçus jusqu’au 31 décembre 2015) :
Ces capitaux, dont le déclarant ne peut démontrer qu’ils ont subi leur régime normal d’imposition, sont soumis à un prélèvement au taux uniforme de 40%. Pourquoi régulariser de tels capitaux, qui ne peuvent plus être taxés ? « La réponse relève du droit pénal. Des poursuites pénales pour blanchiment restent théoriquement possibles, même si les capitaux sont fiscalement prescrits », prévient Denis-Emmanuel Philippe.
« La DLU4 offre une immunité fiscale et pénale. »
3/ Qu’obtenez-vous en échange ?
La DLU4 offre une immunité fiscale et pénale. « Concrètement, ceci signifie que le fisc ne pourra plus venir taxer les revenus régularisés, et que le déclarant bénéficiera d’une exonération de poursuites pénales pour fraude fiscale, faux fiscal et blanchiment des avantages tirés de ces infractions », explique l’avocat.
4/ Est-il encore temps d’entrer un dossier ?
Les dossiers de régularisation peuvent être déposés jusqu’au 31 décembre 2023. Pour être admissible, un dossier doit être complet et parfaitement documenté. Cela signifie qu’il doit notamment comporter une attestation de titularité du compte étranger et un relevé des revenus/capitaux à régulariser.
« La collecte des informations auprès des institutions étrangères peut prendre un certain temps. Les candidats à la DLU4 devraient donc rapidement entamer les démarches ».
Grégory Homans
Avocat-associé chez Dekeyser & Associés
« La collecte des informations auprès des institutions étrangères peut prendre un certain temps. Les candidats à la DLU4 devraient donc rapidement entamer les démarches. À noter qu’il n’est pas permis de déposer, avant l’échéance, un dossier de régularisation « incomplet » pour 1 euro provisionnel et de le compléter ensuite en 2024″, explique Grégory Homans, avocat-associé chez Dekeyser & Associés.
5/ Quel est le profil type du repenti fiscal ?
« Nos clients viennent, pour la plupart, nous solliciter pour introduire une demande de régularisation à la demande de leur banque », constate Denis-Emmanuel Philippe. Dans sa circulaire du 8 juin 2021, la Banque nationale de Belgique exhorte en effet les banques à vérifier l’origine des fonds rapatriés sous l’empire des précédentes régularisations (obligation de « look back »), et à faire une déclaration à la CTIF (cellule de lutte anti-blanchiment) dans l’hypothèse où un doute subsisterait quant à leur origine licite.
En plus de ces clients, on trouve des personnes qui ont commis une infraction fiscale et qui souhaitent rapatrier leurs capitaux en Belgique. « Généralement, c’est en matière de droits de succession et/ou d’impôts sur les revenus. À noter qu’il est à nouveau possible de «régulariser» des droits de succession sur base d’une procédure interne standardisée mise en place par l’administration compétente en matière de succession », poursuit Grégory Homans.
Enfin, « nous avons des clients qui ne sont pas en mesure de démonter l’origine de leurs capitaux étrangers et qui souhaitent pouvoir les intégrer sans crainte dans une planification patrimoniale. Ils ne souhaitent pas prendre le risque de transmettre une éventuelle situation délicate à leur héritier », ajoute-t-il.
« Entre la DLU3 et la DLU4, il était possible d’introduire une déclaration spontanée auprès de l’ISI. Ce n’est en principe plus le cas. »
6/ Existe-t-il une solution alternative à la DLU4 ?
Entre la DLU3 et la DLU4, il était possible d’introduire une déclaration spontanée auprès de l’ISI (l’Inspection spéciale des Impôts). « Ce n’est en principe plus possible. En effet, l’ISI a reçu comme instruction de renvoyer les dossiers de régularisation au Point de Contact – Régularisations (service en charge des régularisations) », explique Grégory Homans. En outre, « l’immunité pénale éventuellement conférée par ces régularisations spontanées soulève plusieurs questions et ce, contrairement à celle offerte par la DLU4″, prévient-il.
Il ne reste donc que quatre mois pour régulariser des capitaux fiscalement prescrits. Les contribuables concernés sont face à un dilemme « cornélien », selon Denis-Emmanuel Philippe.
Soit ils introduisent une DLU4, paient le prélèvement de 40% et conjurent le risque de poursuites pénales, soit ils ne le font pas, car ils se croient à l’abri de poursuites pénales.
« De nombreux contribuables rechignent à payer ce prélèvement, en particulier lorsqu’ils détiennent des capitaux ‘gris’, constitués en partie de revenus qui ont été soumis à l’impôt (épargne, donation, produit de la vente d’un immeuble…) mais dont l’origine ne peut être démontrée (faute de documents justificatifs / extraits bancaires). Ils tablent à cet égard sur le fait que le risque de poursuites pénales par le parquet est fort faible. Il faut toutefois bien réfléchir à deux fois avant de s’aventurer sur cette voie : à défaut de régularisation (d’ici le 31 décembre 2023), il n’est pas à exclure que la banque clôture leur compte et qu’ils doivent se mettre à la recherche d’une autre banque (ce qui ne va pas toujours de soi)… », fait-il remarquer.
7/ Quel système existera après la DLU4 ?
À priori, il n’y aura donc plus moyen de régulariser ses avoirs après le 31 décembre. Toutefois, selon Grégory Homans, « à ce jour, il ne peut être exclu que ces régularisations spontanées auprès de l’ISI puissent refaire surface le jour où la DLU 4 prendra fin, tout comme il ne peut être exclu qu’une nouvelle DLU (ou, à tout le moins, nouvelle mouture de la DLU 4 puisse également voir le jour en 2024 et ce, bien que l’administration disposera d’informations et de moyens pour mener une politique plus répressive si elle le souhaite ».
Denis-Emmanuel Philippe est plus catégorique. Selon lui, « le contribuable aura toujours le choix de faire une régularisation spontanée de revenus imposables non déclarés auprès de son bureau de contrôle local, voire de l’ISI, du moins pour les revenus non prescrits fiscalement. Dans ce cas, il devra s’acquitter de l’impôt sur ses revenus non déclarés, majoré d’un accroissement de 50%. Il n’est pas à exclure que l’administration n’inflige dans certains dossiers qu’un accroissement de 30%. Dans ce cas, le contribuable s’en sortira à meilleur compte que s’il avait introduit une DLU 4. Par ailleurs, il sera en principe fait application du délai d’imposition applicable en cas de fraude, ce qui permettra au fisc de taxer les revenus non déclarés des sept dernières années ».
8/ Ne rien faire, est-ce une option ?
On ne peut pas exclure que certains contribuables particulièrement « récalcitrants » puissent encore passer entre les mailles du filet.
« Mais ce nombre se réduit significativement au regard notamment des échanges automatiques d’informations intensifiés qui sont effectifs, des nouvelles obligations anti-blanchiment des différentes institutions bancaires, de la politique extrêmement dure adoptée par le service ‘compliance’ de certaines banques et des nombreux audits réalisés par les banques belges dans le cadre de leur obligation de look back », prévient Grégory Homans.
Pour Denis-Emmanuel Philippe également, « penser pouvoir dissimuler au fisc des capitaux non déclarés relève du mythe ».
Cependant, « l’ennemi numéro un des détenteurs de capitaux non déclarés n’est à mon avis pas tant le fisc ou le parquet, mais les banques ! Celles-ci n’hésitent plus à inviter leurs clients à trouver une autre banque lorsqu’elles ont des doutes quant à l’origine des fonds », estime-t-il.
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