Publié le 23 juillet 2021
Un nouveau décret fiscal prévoit de faire passer le délai pour les donations non enregistrées à 5 ans et de taxer davantage les assurances vie. Détails.
Le gouvernement wallon a approuvé mi-juillet, en première lecture, un nouveau décret fiscal visant à lutter plus efficacement contre les abus fiscaux. Le texte annonce une série de changements en matière de succession.
Donations non enregistrées : le délai passe de 3 à 5 ans
Les personnes qui font une donation mobilière (avoirs financiers, titre de société familiale, œuvres d’art, bijoux, etc.) non notariées sont libres de l’enregistrer ou non. Les droits d’enregistrement en ligne directe, entre époux et cohabitants légaux sont de 3% à Bruxelles et en Flandre, et de 3,3% en Wallonie (contre respectivement 7% et 5,5% pour tous les autres).
5 ans
Si la donation n’a pas été enregistrée, en cas de décès du donateur dans les 5 ans, le donataire devra payer des droits de succession. Actuellement, ce délai est de 3 ans.
Si la donation n’est pas enregistrée, aucun impôt ne sera dû si le donateur décède plus de trois ans après avoir fait sa donation. Par contre, si le donateur décède dans les trois ans, les biens donnés réintégreront la succession du défunt, et le donataire (la personne gratifiée) devra payer des droits de succession, bien plus élevés que les droits de donation qui ont été évités.
C’est ce délai que la Wallonie va faire passer de 3 à 5 ans. Il reste fixé à 3 ans en Région bruxelloise ainsi qu’en Région flamande, où le projet de le porter à 4 ans a finalement été abandonné suite à la disparition de la « kaasroute ». Pour rappel, de nombreux Belges passaient par un notaire étranger et souvent hollandais, d’où le nom de « route du fromage », pour réaliser une donation car, dans ce cas, elle n’était pas soumise à l’obligation d’enregistrement et donc au paiement de droits de donation en Belgique.
« L’allongement de la période de 3 à 5 ans semble viser à encourager la passation de donations notariées plutôt que des donations manuelles ou indirectes. Depuis la fermeture de la ‘kaasroute’ (le 13 décembre 2020), les donations notariées belges ou étrangères sont déjà obligatoirement enregistrées auprès des autorités fiscales belges. L’extension de la période de rappel fiscal est dans l’air du temps… « , commente Me Grégory Homans, associé gérant du cabinet d’avocats Dekeyser & Associés. « En France, au contraire, le délai de rappel fiscal est de 15 ans, et il a été envisagé de le ramener à 2 ans », observe-t-il.
Rappelons qu’une donation ne doit pas nécessairement être enregistrée au moment où elle est faite. Il est possible de procéder à l’enregistrement ultérieurement.
« L’allongement de la période semble viser à encourager la passation de donations notariées plutôt que des donations manuelles ou indirectes. » Grégory Homans, avocat (associé gérant du cabinet Dekeyser & Associés)
Les donations immobilières doivent quant à elles obligatoirement faire l’objet d’un acte notarié. Elles sont donc toujours enregistrées.
La taxation des assurances-vie renforcée
Le gouvernement wallon a apparemment l’intention de transposer dans la loi la réforme de fiscalité successorale des assurances-vie qui avait été introduite par la circulaire administrative du 7 janvier 2021 concernant les résidents de la Région wallonne et de la Région bruxelloise.
Dans cette circulaire, l’administration fiscale stipule notamment qu’en cas de décès d’un des deux époux, le transfert de la valeur du contrat d’assurance au conjoint survivant est soumis aux droits de succession sur la moitié de la valeur de la police. Et ce, avec effet rétroactif, pour les décès survenus depuis le 1ᵉʳ septembre 2018. Le fisc considère en effet que la valeur de rachat d’une police d’assurance est transmise via un legs – et non pas via l’application du Code civil – et que les droits de succession doivent donc s’appliquer.
Autre nouveauté introduite par la circulaire et également transposée dans le décret: la taxation aux droits de succession des cessions post-mortem.
L’avocat s’interroge sur le procédé. « Est-ce un aveu du fait que la réforme ne pouvait être introduite par voie de circulaire ? La Région de Bruxelles-Capitale s’alignera-t-elle sur la Région wallonne ? »
Donation sous terme suspensif du décès du donateur
La Région wallonne va également mettre un terme à la possibilité de contourner le paiement des droits de succession en faisant une donation sous terme suspensif du décès du donateur. L’administration fiscale wallonne a d’abord cherché à qualifier cette pratique d’abus fiscal, mais le résultat ne semblait pas à la hauteur des attentes, souligne Me Homans. Elle avait ainsi invoqué l’abus au motif qu’il n’y avait pas de dépouillement au moment de l’enregistrement et qu’il n’y avait donc pas lieu de profiter des taux avantageux des droits de donation. L’alternative, suggérait-elle, était tout simplement de rédiger un testament (dans ce cas, ce sont des droits de succession qui sont dus). Sauf qu’un testament ne permet pas de sécuriser la personne gratifiée. En effet, à la différence d’un testament, une donation – même à terme suspensif – est irrévocable.
Date d’entrée en vigueur
Reste également à savoir quand les nouvelles dispositions entreront en vigueur. Celui qui a fait une donation en 2021 devra-t-il tenir compte d’une période de 3 ou de 5 ans, par exemple ? « À ce stade, le projet de décret n’est pas précis. Si le projet provient de la Fédération des notaires, à l’instar de nombreux autres, il est fréquent qu’il entrera en vigueur sans effet rétroactif. Mais un effet rétroactif n’est pas exclu. Pour rappel, la circulaire administrative relative à la fiscalité successorale des assurances-vie prévoyait une rétroactivité jusqu’au 1ᵉʳ septembre 2018 », observe Me Grégory Homans.
Dekeyser & Associés - L'Echo - 23 juillet 2021 -Des nouveautés pour la fiscalité successorale en WalloniePour télécharger ou imprimer ce document PDF, veuillez cliquer sur l'icon ci-dessus