Comment transmettre sa société à la génération suivante ?
Par Me Grégory Homans et Me Hugo Dautrebande
Cabinet Dekeyser & Associés – www.dekeyser-associes.com
Anticiper la transmission de l’entreprise familiale à la génération suivante permet de bénéficier de conditions fiscales favorables et de garantir la paix familiale.
En l’absence d’aménagement, le patrimoine d’un résident belge est soumis, à son décès, aux droits de succession. Ces droits sont progressifs et peuvent atteindre jusqu’à 30 % si les enfants héritent (27 % en Flandre).
Pour éviter cet impôt, il est possible de transmettre de son vivant tout ou partie de son patrimoine au moyen de libéralités. Les donations notariées de titres de sociétés en faveur de ses enfants sont soumises aux droits d’enregistrement fixes de 3 % (3,3 % en Région wallonne).
1. Entreprises familiales : régime préférentiel
Exception : la donation notariée de titres d’une société familiale (qu’il s’agisse d’une PME, une start-up, une société d’exploitation, une licorne, etc.) peut toutefois être réalisée sans impôt.
Pour bénéficier de ce régime préférentiel, la société doit respecter plusieurs conditions variant d’une Région à l’autre. Parmi celles-ci :
(i) exercer une profession libérale ou une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole,
(ii) avoir un actionnariat majoritairement familial (condition non existante en Région wallonne),
(iii) poursuivre, après la donation, une activité économique pendant au moins trois ou cinq ans (en Région bruxelloise, cette activité doit être identique à celle exercée préalablement à la donation).
En outre, chaque Région prévoit une procédure spécifique pour l’octroi et le maintien de ce régime préférentiel.
2. Holdings pures
Une “holding pure” (soit une société qui se contente de détenir des participations dans d’autres sociétés) ne bénéficie, a priori, pas de ce régime préférentiel, et ce, à défaut d’exercer une activité économique réelle.
À Bruxelles et en Flandre, la donation des titres d’une holding pure peut toutefois bénéficier de ce régime préférentiel à concurrence du ratio entre la valeur de ses participations (représentant au moins 30 % des droits de vote) dans d’autres sociétés éligibles au régime préférentiel et la valeur globale de la société holding.
En Wallonie, une holding peut bénéficier du régime préférentiel lorsqu’elle et/ou (?) ses (sous-) filiales exercent une activité économique réelle. L’application de cette condition fait débat. Cette question a été soumise à la Cour de cassation. Un arrêt est prochainement attendu. Wait and see.
3. Sociétés immobilières
À défaut d’exercer une activité économique réelle, les sociétés immobilières sont, en principe, également exclues du régime préférentiel.
À Bruxelles et en Flandre, les sociétés immobilières sont réputées ne pas exercer d’activité économique réelle lorsque deux conditions sont simultanément remplies pendant une certaine période :
(i) la valeur de leurs terrains et constructions représente plus de 50 % de la valeur de l’ensemble de leurs actifs ;
(ii) leurs “coûts de personnel” annuels n’atteignent pas 1,5 % desdits actifs.
Cette présomption peut être renversée en démontrant l’exercice d’une activité économique réelle.
Nouveauté : la Flandre entend, à partir du 1er janvier 2026, supprimer cette présomption. En contrepartie, elle prévoit d’exclure du bénéfice du régime préférentiel, la valeur de l’immobilier résidentiel détenue par une société et certaines de ses filiales, et ce, sous réserve de certaines exceptions.
4. Anticiper pour assurer
Un régime préférentiel semblable s’applique aux transmissions successorales d’entreprises familiales. Cependant, le respect de ces conditions peut s’avérer difficile suite au décès de l’actionnaire-gérant principal (notamment, la poursuite de l’activité économique pendant plusieurs années). Il est ainsi prudent de donner de son vivant pour s’assurer des conditions fiscales favorables.
Moyennant des aménagements spécifiques, il est permis de “donner sans se dépouiller” en se réservant de nombreux droits. Parmi ceux-ci :
– le droit de vote,
– le droit de recueillir les dividendes distribués par la société,
– le droit d’en rester l’unique administrateur,
– le droit de pouvoir vendre les titres de la société sous sa seule signature (faculté à articuler avec les conditions du régime préférentiel), etc.
Il est également recommandé d’intégrer dans ses réflexions le fait que l’entreprise familiale pourrait, le cas échéant, ne pas être reprise par l’ensemble des enfants, et ce, pour éviter tout risque d’éventuels conflits (notamment, au regard de l’égalité entre les enfants).
Au final, anticiper la transmission de l’entreprise familiale à la génération suivante permet de bénéficier de conditions fiscales favorables et de garantir la paix familiale. Ces éléments participent à favoriser la pérennité de l’entreprise.
Au regard des nombreuses évolutions et du formalisme à respecter, il est toutefois prudent de se faire accompagner dans cette opération.
GH 6 décembre version finale
Pour télécharger ou imprimer ce document PDF, veuillez cliquer sur l'icon
ci-dessus
