Publié le 25 septembre 2021
L’investissement immobilier en société correctement structuré présente de nombreux atouts. Et la réforme du droit des biens offre de nouvelles opportunités. Une chronique de Maîtres Grégory Homans et Sébastien Thiry de chez Dekeyser & Associés.
De nombreuses sociétés investissent leurs liquidités dans l’immobilier. Elles en profitent pour réaliser des économies fiscales en déduisant les frais et amortissements liés à l’immeuble. Cet avantage est atténué par la taxation des loyers et les plus-values en société. Il est possible d’accroître l’intérêt fiscal de l’acquisition immobilière en la réalisant de manière adéquate.
1. Achat par la société seule
L’achat par la société est un mode d’acquisition simple à réaliser. Il présente toutefois un inconvénient lors d’une éventuelle vente de l’immeuble, en particulier si le dirigeant/actionnaire souhaite en recueillir personnellement le prix de vente. En effet, cette opération entraînera plusieurs impôts qui réduiront le profit final (Isoc sur la plus-value immobilière, IPP sur les sorties d’argent de la société au profit du dirigeant/actionnaire, droits d’enregistrement lors de la vente immobilière).
Pour éviter ce coût fiscal, certains préfèrent vendre directement les actions de la société lorsque la situation le permet ou peut être aménagée à cette fin. Ils perçoivent ainsi le prix de vente en nom propre et évitent, dans certaines circonstances, tout impôt sur la plus-value réalisée. Notons qu’un transfert d’actions de la société immobilière peut être intéressant dans le cadre d’une planification successorale : il peut bénéficier d’un régime fiscal favorable, alors qu’une donation immobilière peut être taxée jusqu’à 40 %.
2. Achat par la société et son dirigeant
La société peut acheter l’usufruit de l’immeuble moyennant un prix adéquat. Elle disposera du droit d’en jouir durant une période définie, d’en percevoir les revenus, etc. De son côté, le dirigeant achètera la nue-propriété. Il recueillera automatiquement, au terme de l’usufruit, l’entière propriété de l’immeuble et ce, sans impôt ni indemnité si l’opération est correctement mise en place.
Prudence, pour assurer l’efficacité du schéma, plusieurs « pièges » sont à éviter : valorisation correcte de l’usufruit, prise en charge adéquate des travaux, etc. Depuis le 1er septembre 2021, la réforme du droit des biens s’applique aux nouvelles acquisitions et offre plusieurs opportunités (répartition différente des travaux, extension de la durée maximum de l’usufruit…). Il est permis de s’appuyer sur cette réforme pour, le cas échéant, corriger certains écueils d’anciens achats.
3. Construction par la société sur le terrain du dirigeant
Il arrive que la société construise un bâtiment sur le terrain de son dirigeant sur base d’un droit de superficie accordé par ce dernier. Jusqu’à l’extinction de ce droit, la société est propriétaire du bâtiment et peut l’exploiter dans le cadre de son activité. À terme, le dirigeant devient entier propriétaire du bâtiment sans impôt moyennant certaines conditions. Notons que le fisc cherchera à remettre en cause l’opération notamment si le dirigeant n’indemnise pas suffisamment la société à l’expiration du droit.
La réforme du droit des biens impacte également ce type d’acquisition (nouvelles règles de calcul de l’indemnité, etc.).
4. Habitation du dirigeant
Une société peut acheter un immeuble pour l’affecter à l’habitation de son dirigeant. Ce dernier doit alors déclarer, sauf exceptions, un avantage de toute nature (ATN) taxable.
La jurisprudence récente invite à la prudence : pour déduire les frais et amortissement liés à l’immeuble, la société doit démontrer que l’opération présente un intérêt économique suffisant dans son chef (preuve que le dirigeant preste pour son compte, que l’opération est rentable…). Une documentation adéquate est recommandée, y compris pour les montages déjà en place.
La société achète parfois aussi un immeuble d’habitation à l’étranger. Deux nouveautés sont à épingler dans ce cas : la possibilité de déduire des frais est dorénavant fortement restreinte par la loi ; et un revenu cadastral « à la belge » est alloué depuis cette année à certains immeubles étrangers. Malgré cette évolution, l’ATN lié à un immeuble étranger détenu par une société demeure défini sur base de la valeur locative réelle du bien alors que, pour les immeubles belges, il l’est en vertu du revenu cadastral (lequel est nettement inférieur à la valeur locative réelle). Cette discrimination pourrait être prochainement condamnée. Wait and see…
5. Alternative : achat en personne physique ?
Il est parfois plus opportun d’acquérir l’immeuble en personne physique plutôt qu’en société (entre autres certains immeubles de rapport). Le dirigeant/actionnaire sera alors intéressé de sortir, de la société, les liquidités nécessaires au financement de l’achat. Plusieurs manières de sortir les fonds à des conditions fiscales favorables existent : l’engagement individuel de pension (EIP), la distribution de dividendes au taux réduit, voire le versement d’un loyer par la société (éventuellement dans le cadre d’un « leasing » immobilier)…
Au final, un conseil fiscal judicieux et personnalisé permettra à chacun de déterminer la manière appropriée d’acquérir l’immeuble souhaité.
Dekeyser & Associés - La Libre du 25.09.21Pour télécharger ou imprimer ce document PDF, veuillez cliquer sur l'icon ci-dessus