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Comment la nouvelle amnistie fiscale va-t-elle fonctionner ?

Publié le 31 aout 2025

La nouvelle DLU, cinquième du nom, est entrée en vigueur début août. De quoi permettre aux contribuables de « blanchir » des capitaux ou des revenus jamais déclarés. A la clé : une immunité fiscale et pénale. Au prix toutefois élevé. Quatre questions pour y voir clair.

Après un an et demi de vide juridique, la toute nouvelle déclaration libératoire unique (DLU), promise par l’Arizona, est en place. Depuis le 8 août, il est de nouveau possible de régulariser des capitaux ou des revenus qui échappaient jusqu’à présent à l’impôt, souvent logés (et même coincés) à l’étranger. « Cette nouvelle DLU est destinée à offrir une solution à certains cas qui se retrouvaient sans solution », souligne Sébastien Thiry, avocat fiscaliste chez Dekeyser & Associés.

De qui parle-t-on exactement ? Comment va fonctionner cette nouvelle amnistie fiscale annoncée comme « permanente » ?

 

1. Pour quoi ?

La DLU 5 permet, comme les précédentes, de régulariser les revenus ou le capital taxés au niveau fédéral. Tout ce qui relève de l’impôt régional – les droits de succession notamment – n’est donc pas concerné pour l’instant (les Régions devraient toutefois suivre avec leurs propres réglementations). « Vous avez principalement les impôts sur les revenus financiers, du travail, les revenus immobiliers. Vous pouvez régulariser la TVA, la taxe sur les primes d’assurance, etc. », énumère notre interlocuteur. C’est large, donc, mais il y a une limite : si les avoirs non déclarés trouvent leur origine dans le trafic d’armes, la traite des êtres humains, le terrorisme ou le blanchiment, par exemple, ils ne sont évidemment pas régularisables. « Ça doit rester de la fraude fiscale classique. »

Cas le plus courant : l’argent a été jadis intentionnellement non déclaré et placé à l’étranger (la pratique n’était pas rare), où il dort tranquillement depuis. Sauf qu’au moment où l’on souhaite le rapatrier en Belgique pour l’utiliser, faire une donation, acheter un appartement, etc., on se retrouve nez à nez avec le fisc ou sa banque qui demandent des explications.

Mais d’autres cas sont concernés. L’avocat fiscaliste : « Il peut aussi s’agir d’argent tout à fait licite. On le sait, mais on ne sait pas le démontrer, parce que les papiers n’ont pas été conservés ou qu’on n’arrive pas à les obtenir. Lorsque l’on veut le rapatrier en Belgique, la banque belge va demander cette preuve pour accepter l’argent. On est donc malheureusement obligé de passer par la case DLU. »

 

2. Pour qui ?

Cette démarche ne s’adresse donc pas nécessairement aux malfrats aguerris. En réalité, il s’agit souvent de personnes âgées ou de citoyens qui viennent d’hériter de comptes bancaires à l’étranger. Et le SPF Finances constatait lors des précédentes DLU que les dossiers soumis concernaient principalement des soldes détenus sur des comptes luxembourgeois et suisses, ainsi que des polices d’assurance-vie luxembourgeoises. « Ça peut être typiquement des personnes qui ont investi des capitaux à l’étranger il y a longtemps », explique l’avocat fiscaliste. « Depuis dix ans, ils déclarent correctement les revenus liés à ces capitaux, mais lorsqu’ils veulent rapatrier les fonds, la banque belge leur demande la preuve de l’origine de ces capitaux, qu’ils n’arrivent pas à fournir. »

Même demande – et même problème – pour les héritiers, qui n’ont souvent aucune idée de l’origine des fonds. « Votre tante vous a légué un compte en Suisse », expose Miguel Mairlot, cofondateur du cabinet Ethikos et expert ­antiblanchiment. « Vous ne connaissez pas l’origine des fonds, vous ne savez pas démontrer la taxation sur les capitaux prescrits. Alors, il faudra aussi faire une DLU pour rapatrier l’argent en ­Belgique. »

On peut donc n’avoir commis aucune faute mais devoir tout de même passer par la DLU. Aussi, de plus en plus, la banque étrangère exige une régularisation. « Elle sait que les capitaux proviennent d’une infraction, elle met la pression pour que tout soit en ordre », constate Sébastien Thiry.

 

3. Combien ça coûte ?

Régulariser n’est évidemment pas ­gratuit. Que prévoit la nouvelle loi ?

D’abord, que le contribuable paie l’impôt dû. Ensuite, la pénalité, à payer en plus, s’élève à 30 % du montant (c’est plus que les 25 % de la DLU 4). « Si c’est par exemple du précompte mobilier taxé à 30 %, vous payez ces 30 % plus 30 % de pénalités. Au total, ça représente 60 % des revenus non déclarés. On perd donc énormément », reconnaît Miguel Mairlot. Cette règle s’applique aux revenus non déclarés sur les sept dernières années imposables.

Au-delà, il s’agit de capitaux dits « prescrits » (la très grande majorité des dossiers, selon le SPF Finances), c’est-à-dire que l’administration fiscale ne peut plus les taxer. Pas d’impôts, donc, mais une pénalité qui s’élève à 45 % du montant (là encore, plus que les 40 % demandés dans le cadre de la DLU 4). « Dans certains cas », précise Sébastien Thiry, « l’argent se compose de capitaux prescrits et non prescrits. Dans d’autres, de capitaux licites et non licites. Il faut bien expliquer tout ça dans le dossier de régularisation. » Celui-ci est à télécharger sur le site du SPF Finances. Attention, c’est un peu technique.

« Dans le passé, il fallait compter une moyenne de trois à six mois pour avoir une réponse », ponctue l’avocat fiscaliste.

 

4. Quelles pressions ?

Une régularisation n’est donc pas indolore. Certains fraudeurs pourraient donc rechigner à faire le pas et attendre qu’un éventuel couperet tombe. Sauf qu’aujourd’hui, il est de plus en plus risqué de mentir au fisc. Avec l’échange automatique de données, celui-ci sait aujourd’hui qui a un compte où, ce qui est perçu sur ce compte, son solde, etc.

Mais la pression ne vient pas seulement de l’administration. Les inter­médiaires par qui passe l’argent – les banques, les assurances, les notaires – poussent (voire obligent) leurs clients à régulariser leur situation. Il faut dire qu’ils sont aussi sous pression. La loi anti blanchiment et une circulaire de 2021 de la Banque nationale les forcent à être très vigilants par rapport aux demandes de rapatriement de capitaux. Si le client refuse de régulariser son argent, il risque une dénonciation à la Ctif (Cellule de traitement des informations financières), qui pourra transmettre le dossier au parquet avec, à la clef, de possibles poursuites pénales. Avec la DLU, on évite donc ce risque.

Avec la DLU 4, 3 milliards d’euros ont été régularisés

La DLU 5 fait partie d’une petite famille apparue le 1er janvier 2004. C’est à cette date qu’entre en application la DLU 1, pour une durée d’un an. Le fraudeur repenti payait alors un forfait variant de 6 à 9 % des sommes déclarées.

La DLU bis a couvert une période beaucoup plus longue, de 2005 à juillet 2013. Elle a permis à de nombreux contribuables de rapatrier des capitaux de l’étranger et d’en régulariser les revenus.

La DLU 3 fut très courte puisqu’elle a duré un peu moins de six mois, du 15 juillet au 31 décembre 2013.

La DLU 4, elle, a bénéficié d’une longue durée de vie puisqu’elle est née en 2016 et s’est éteinte le 31 décembre 2023. D’après les derniers chiffres du SPF Finances, elle a permis de régulariser plus de 3 milliards d’euros, somme sur laquelle le fisc a prélevé plus d’un milliard d’euros.

La DLU pour régulariser les gains des cryptos ?

La DLU « quinquies » pourrait bien servir à ceux qui détiennent des comptes crypto pour régulariser leurs bénéfices réalisés ces dernières années. La matière est encore aujourd’hui un peu floue et beaucoup d’investisseurs ne déclarent pas leurs revenus en bitcoins ou autres. Mais dans le doute, pour éviter tout problème futur avec l’administration ou leur banquier, ils pourraient considérer la DLU.

« Nous avons effectivement beaucoup de demandes de consultation à ce sujet », confirme Sébastien Thiry, avocat fiscaliste chez Dekeyser & Associés. La question se pose notamment du fait que début 2026, une directive européenne imposera aux plateformes de cryptomonnaies de reporter au fisc les transactions de leurs utilisateurs. Certains investisseurs un peu trop actifs pourraient voir leurs gains requalifier en « revenus divers » (taxés à 33 %). « Et attention », prévient l’avocat, « 33 % plus 30 % de pénalité, ça veut dire qu’on serait à 63 % de taxation des plus-values. On perd donc une grande partie de ses gains. Ça coûtera sans doute moins cher d’aller voir l’administration et de faire une régularisation spontanée, informelle ».

Pour ça, encore faut-il que le fisc accepte de traiter ces dossiers, sachant qu’il y a maintenant cette nouvelle DLU. Affaire à suivre donc.

DEKEYSER ET ASSOCIES_LE SOIR_Comment la nouvelle amnistie fiscale va-t-elle fonctionner_31.08.2025

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