Réunions en ligne / vidéo possibles
Contact me
Contactez-moi

Ce que le nouveau décret fiscal wallon change pour vous

Publié le 8 novembre 2021

Que ce soit sur les assurances-vie, les donations non enregistrées, les « faux » utilitaires ou encore les « faux » ancêtres, le gouvernement wallon a adopté une série de mesures afin de limiter les possibilités de contourner l’impôt.

Le gouvernement wallon a validé la semaine dernière un nouveau décret fiscal qui permettra d’aller « vers un impôt plus juste ». Ce sont notamment toute une série de pratiques considérées comme des moyens pour contourner ou échapper à l’impôt qui sont visées. Les nouvelles dispositions concernent surtout les droits de succession et d’enregistrement et la fiscalité automobile. Certains points sont aussi à noter en termes de procédure fiscale wallonne. L’entrée en vigueur du texte, qui doit encore être approuvé par le Parlement, est prévue le 1er janvier 2022.

1/ Droits de succession et d’enregistrement

  • Donations non enregistrées

Effectuer une donation non enregistrée permet de transmettre une partie de son patrimoine mobilier en totale exemption d’impôts. Pour que cela fonctionne, le donateur doit encore rester en vie pendant au minimum 3 ans après la date de la donation. S’il décède avant, la donation est reprise dans la succession et taxée aux droits de succession. La période de 3 ans va passer à 5 ans à partir du 1er janvier 2022, afin de pousser un maximum de donateurs à enregistrer leur donation. Car dans ce cas, la donation ne peut plus être taxée aux droits de succession et ce, quelle que ce soit la date de décès du donateur. L’enregistrement est soumis à des droits de 3,3% (en ligne directe et entre conjoints et cohabitants légaux) ou de 5,5% (dans tous les autres cas). Attention, il ne sert à rien d’effectuer une donation avant la fin de l’année pour profiter de l’ancien délai, car toutes les donations qui ont été effectuées depuis le 1er janvier 2019 (et pour lesquelles le donateur est encore en vie au 31 décembre 2021) sont concernées par l’allongement du délai. Ainsi, si vous avez effectué une donation en décembre 2021, la période « suspecte » se terminera en décembre 2026 (et non en décembre 2024).

  • Assurance-vie

Le gouvernement effectue une série de corrections afin de limiter l’attrait fiscal d’une planification successorale via l’assurance-vie et adopte en cela l’approche de la Flandre.

> Donation d’assurance-vie

De nombreuses assurances-vie sont structurées de la manière suivante : le preneur de l’assurance est aussi l’assuré et le bénéficiaire est une autre personne (AAB). Au décès de l’assuré, la police se dénoue et le bénéficiaire est redevable des droits de succession sur les capitaux assurés. Il existe toutefois une manière d’éviter cet impôt. « Actuellement, dans le cadre d’une police dite ‘AAB’, A peut, moyennant certaines conditions, éviter à B tout impôt lors du dénouement de l’assurance, et ce en lui donnant l’ensemble de ses droits liés à la police. Cette donation peut être enregistrée ou non. Si elle n’est pas passée auprès d’un notaire, aucun impôt n’est dû si le donateur ne vient pas à décéder dans les 3 ans de la donation (ce délai passera prochainement à 5 ans) », explique l’avocat fiscaliste Grégory Homans (Dekeyser & Associés). Le gouvernement entend à l’avenir limiter cette possibilité via une taxation de la personne gratifiée en droits de succession sur l’éventuelle plus-value correspondant à la différence entre la valeur de rachat de l’assurance au décès du donateur-assuré et la base de calcul des droits d’enregistrement dus lors de la donation des droits sur la police.  «Ce faisant, le gouvernement wallon impose en quelque sorte l’enregistrement de la donation des droits liés à la police (3,3% ou 5,5%). À nouveau, l’enregistrement de donation mobilière est encouragé », épingle Me Homans.

> Wait and see

Lorsque deux conjoints constituent une assurance-vie ensemble, la taxation ne s’effectuera plus lors du décès du premier conjoint. C’est le principe du « wait and see« , car la taxation sera dépendante de ce qu’il se passera ensuite. « Tant que les avoirs demeurent dans la police, il n’y aura aucune taxation. Dès que des fonds sortent de la police, le bénéficiaire effectif sera redevable de droits de succession (que ce soit lors d’un rachat de la police par le preneur ou lors du dénouement de la police au profit de son bénéficiaire). Il sera intéressant d’apprécier la manière dont les autorités fiscales wallonnes appliqueront ce principe aux polices présentant les caractéristiques d’un contrat onéreux (clause d’accroissement) et la manière dont ce principe sera articulé avec une donation de l’ensemble des droits par le preneur survivant au profit du bénéficiaire », explique Grégory Homans.

L’administration fiscale s’appuiera également sur ce principe pour taxer les rachats consécutifs à une cession post-mortem des droits sur la police.

> Moment d’imposition et moment de perception

Actuellement, le bénéficiaire d’une police est imposable au décès de son preneur, et ce, que la police se dénoue ou non à ce moment. « Cette dichotomie entre le moment d’imposition et le moment de la perception amenait des situations délicates (entre autres, l’impossibilité de s’acquitter des droits de succession faute de disposer des capitaux assurés). Pour y remédier, le gouvernement wallon fait désormais coïncider le moment de l’imposition et celui de la perception », conclut l’avocat.

> Donations à terme suspensif de décès

Il est juridiquement possible d’effectuer des donations sous condition suspensive de prédécès du donateur. Concrètement, le bénéficiaire reçoit la donation au décès du donateur, et jusqu’en 2018 celle-ci échappait aux droits de succession. Depuis 2018, ce type de donation donne lieu au paiement de droits de succession, et non plus de droits d’enregistrement. Afin de contourner les droits de succession dans ce type d’opération, il est toutefois possible d’effectuer une donation sous terme suspensif spécifiquement prévu au décès du donateur. Concrètement, la différence se situe ici: « Je te donne et tu recevras la donation lorsque je décède », au lieu de « je te donne et tu recevras la donation si je décède ». Une petite nuance qui rend l’opération inattaquable sur le plan du droit civil, mais qui constitue une forme d’évitement des droits de succession. Résultat : à partir de 2022, cette opération sera assimilée à un legs fictif et taxée aux droits de succession.

2/ Fiscalité automobile

  • Faux utilitaires

Les véhicules utilitaires bénéficient d’un régime fiscal très avantageux étant donné qu’ils ne sont pas soumis à la taxe de mise en circulation, y compris sa composante éco-malus et que le montant de leur taxe de circulation est forfaitaire, selon le poids du véhicule, avec un montant maximal de 148,76 euros. Or, comme l’explique le cabinet du ministre wallon des Finances, Jean-Luc Crucke, de nombreux véhicules répondant techniquement à la définition légale des camionnettes fiscales sont en réalité destinés à des fins de loisir ou à un usage totalement privé. Par exemple, la personne ayant besoin de tracter un bateau sera tentée de choisir un pick-up, étant donné qu’elle paierait une taxe de circulation 10 fois plus élevée si elle optait pour un SUV. Pour que la taxation des véhicules soit cohérente avec leur utilisation réelle, le décret prévoit que l’application du régime fiscal favorable soit réservée aux seules camionnettes fiscales immatriculées :
– soit au nom d’un indépendant (principal ou complémentaire) en personne physique enregistré à la Banque carrefour des entreprises (BCE);
– soit au nom d’une personne morale inscrite ou non à la BCE.

Le véhicule doit en outre être utilisé, même partiellement, pour l’exercice de l’activité professionnelle de l’indépendant, ou pour réaliser l’objet, l’un des buts au moins, ou l’une des missions au moins de la personne morale. Si ces conditions ne sont pas remplies ou si le véhicule ne répond pas aux spécificités techniques (masse maximale, taille de l’espace de chargement, plancher sur l’espace de chargement, etc.), il sera soumis aux taxes de circulation et de mise en circulation qui existent pour les véhicules classiques.

Cette mesure n’est pas rétroactive, ce qui signifie que les véhicules immatriculés jusqu’au 31/12/2021 continueront à bénéficier de la fiscalité favorable. Les véhicules commandés avant cette date également, même s’ils sont livrés et immatriculés l’année prochaine.

  • Ancêtres

Du côté de la taxe annuelle de circulation, les véhicules ancêtres sont considérés comme tels si leur première date de mise en circulation est supérieure à 30 ans au moment de percevoir la taxe de circulation. Cette taxe est forfaitaire et s’élève à 38,64 euros. Le véhicule ne doit pas obligatoirement être immatriculé avec une plaque ancêtre (commençant par un O) pour bénéficier de ce régime fiscal favorable. Il peut donc être utilisé sans restriction (notamment pour un usage commercial et professionnel, pour effectuer les trajets domicile-travail et domicile-école, ce qui est interdit pour les « vrais » ancêtres à plaque O) tout en étant soumis à une taxation réduite. Du côté de la taxe de mise en circulation, y compris sa composante éco-malus, il faut en plus disposer de la plaque O pour bénéficier du régime favorable. À partir de 2022, le véhicule devra être immatriculé comme ancêtre pour bénéficier du régime fiscal favorable réservé aux ancêtres pour l’ensemble de la fiscalité automobile. Si ce n’est pas le cas, il sera taxé comme un véhicule normal, avec une taxe de circulation et une taxe de mise en circulation ordinaires.

3/ Procédure fiscale

  • Disposition anti-abus

Le décret instaure une disposition générale anti-abus pour prévenir tous les cas dans lesquels l’intention du législateur wallon ne serait volontairement pas rencontrée, à l’instar des mesures fédérales déjà applicables à l’impôt des personnes physiques, aux droits d’enregistrement et aux droits de succession.

  • Délais extraordinaires d’investigation et de taxation

Lorsque l’on se retrouve dans une situation de taxation liée à une intention frauduleuse ou un dessein de nuire, le fisc pourra désormais rectifier la situation sur les 10 dernières années, au lieu de 5 actuellement (et 7 au niveau fédéral). Cela concerne les taxes régionales wallonnes comme les taxes sur les jeux et paris, sur les automates, les appareils automatiques de divertissement, etc.  

  •  Délais spéciaux de taxation

Les délais spéciaux de taxation seront également adaptés et prolongés jusqu’à 10 ans notamment pour les taxations sur la base d’éléments nouveaux portés à la connaissance de l’administration.

Source : L’Echo

Dekeyser & Associés - L'Echo - 8 novembre 2021 - Ce que le nouveau décret fiscal wallon change pour vous
Pour télécharger ou imprimer ce document PDF, veuillez cliquer sur l'icon ci-dessus
2022-05-09T15:23:22+02:0008 novembre 21|