Réunions en ligne / vidéo possibles
Contact me
Contactez-moi

Achat scindé : votre entreprise ne devra plus payer de droits d’enregistrement sur la prolongation de l’usufruit

Publié le 29 mars 2025

Vous avez réalisé un achat scindé par le biais de votre société ? Un récent arrêt rendu par la Cour de cassation met fin aux droits d’enregistrement pour l’usufruit prolongé, ramenant ces frais à un droit fixe de 50 euros.

Jusqu’à récemment, la prolongation d’un usufruit détenu par une entreprise dans le cadre d’un achat scindé pouvait, sur le plan fiscal, être assimilée à une nouvelle acquisition immobilière. Elle entraînait, à ce titre, l’application de droits d’enregistrement proportionnels (de dix ou de 12,5%, selon la Région).

Mais la donne a récemment changé: dans un arrêt rendu en janvier 2025 faisant suite à une affaire, la Cour de cassation a écarté cette interprétation, comme le rapporte le quotidien néerlandophone Het Laatste Nieuws.

De fait, en considérant que la prolongation d’usufruit ne constituait pas un transfert de droit réel – autrement dit, qu’elle n’était pas translative (voir plus loin) — la Cour a conclu qu’aucun droit proportionnel ne pouvait être exigé et que seul un droit fixe de 50 euros pouvait s’appliquer.

Un revirement de situation qui rebat les cartes pour les dirigeants de société, mais qui ouvre aussi potentiellement la voie à des demandes de remboursement pour les entreprises ayant déjà acquitté ces droits. Explications.

Une opération fiscalement avantageuse…

Pour comprendre la portée de cette décision, revenons d’abord sur le fonctionnement du montage concerné – l’achat scindé -, fréquemment utilisé par les indépendants dans le cadre de leur gestion patrimoniale.

De fait, comme vous le savez, sortir des liquidités de sa société sans passer par la voie classique – et fiscalement lourde – du salaire reste un enjeu récurent pour de nombreux entrepreneurs. L’achat scindé fait ainsi partie des nombreuses stratégies utilisées par les dirigeants d’entreprise pour contourner ce mécanisme.

Et pour cause. Ce dispositif, qui repose sur la distinction, lors de l’achat, entre l’usufruit (le droit d’utiliser le bien et d’en percevoir les revenus sans en être propriétaire) et la nue-propriété (posséder le bien sans pouvoir l’utiliser ni en percevoir les revenus tant que dure l’usufruit) permet à l’entrepreneur de répartir les droits de propriété entre lui-même et sa société:

  • L’usufruit, souvent acquis par la société, permet alors à cette dernière d’exploiter le bien, d’en percevoir les loyers et d’en supporter les frais d’entretien et d’amortissement;
  • La nue-propriété, généralement détenue par le dirigeant à titre privé, récupère la pleine propriété du bien à l’extinction de l’usufruit.

Ainsi, l’usufruit acquis par la société ouvre, entre autres, le droit à la déduction des amortissements et des charges liées à l’usage du bien, ce qui permet de réduire l’assiette de l’impôt des sociétés (Isoc). Par ailleurs, les droits d’enregistrement et les frais accessoires supportés lors de l’acquisition sont, en principe, entièrement déductibles au titre de l’Isoc dès l’année d’acquisition.

… mais pas sans risques

Néanmoins, « ce montage n’est pas sans susciter la vigilance de l’administration fiscale », comme l’explique Gregory Homans, avocat fiscaliste, associé du cabinet Dekeyser & Associés. Plusieurs zones de tension ont en effet déjà fait l’objet de litiges auprès du fisc, notamment:

  • Les travaux: certains dirigeants, anticipant la restitution du bien à leur patrimoine privé, décident d’effectuer d’importants travaux de rénovation qui sont en réalité financés par la société usufruitière. Un point qui pose la question de la finalité de ces dépenses (sont-elles réellement effectuées pour l’activité de la société, ou visent-elles à améliorer un bien qui sera bientôt transféré au dirigeant?);
  • L’enrichissement personnel: par ailleurs, lorsque le montage est jugé artificiel ou mal exécuté, l’administration peut considérer que le passage du bien dans le patrimoine du dirigeant constitue un enrichissement personnel, assimilable à une forme de rémunération. Dans ce cas, l’opération est requalifiée en revenu professionnel et taxée comme telle.

Une lecture restrictive de l’administration flamande

Pour échapper à ces difficultés, certains dirigeants préfèrent ne pas laisser l’usufruit s’éteindre à son terme et le prolonger en établissant un nouvel acte notarié. Cette prolongation permet à la société de conserver la jouissance du bien, tout en maintenant ce dernier hors du patrimoine privé.

En contrepartie, la société verse au nu-propriétaire (le dirigeant) une indemnité correspondant à la valeur économique de l’usufruit prolongé. Celle-ci, à la différence d’un salaire ou d’un dividende, n’est donc pas soumise à l’impôt sur les revenus.

À titre d’exemple, si un immeuble génère un loyer mensuel de 3.500 euros, la valeur économique d’une prolongation de l’usufruit sur cinq ans peut être estimée à environ 187.000 euros. Dans un tel scénario, un indépendant pourrait, via ce mécanisme, éviter jusqu’à 22.000 euros d’imposition.

Néanmoins, cette pratique a été remise en question par l’administration en Flandre, qui considérait cette prolongation comme une opération générant un transfert de droit réel. En conséquence, elle demandait donc à l’entreprise que des droits d’enregistrement proportionnels à hauteur de 10% (12,5 % en Wallonie et à Bruxelles) sur la valeur du nouvel usufruit soient appliqués.

Vers des demandes de remboursement?

C’est précisément cette interprétation que la Cour de cassation est venue invalider, estimant qu’il n’y avait pas de transfert de droit réel entre les deux parties (le droit d’usufruit appartient déjà à la société; il ne change pas de mains, il est simplement étendu dans le temps).

Or, pour qu’un droit d’enregistrement proportionnel puisse s’appliquer, un transfert effectif de droit réel est requis. En l’absence d’un tel transfert, la base légale de cette taxation fait défaut. L’acte notarié doit donc être soumis au droit fixe de 50 euros, prévu pour les opérations non translatives.

Enfin, l’un des aspects les plus sensibles de cette décision concerne les situations passées, tant en Flandre que dans les autres Régions du royaume, puisque « les entreprises ou les dirigeants qui, lors d’une prolongation d’usufruit, ont payé un droit d’enregistrement proportionnel, pourraient désormais, moyennant certaines conditions, demander le remboursement des montants indûment versés », conclut Grégory Homans.

DEKEYSER & ASSOCIES_ECHO_Achat scindé - votre entreprise ne devra plus payer de droits d'enregistrement sur la prolongation de l'usufruit_29.03.2025

Pour télécharger ou imprimer ce document PDF, veuillez cliquer sur l'icon ci-dessus

2025-04-10T15:04:21+02:0029 mars 25|