Un résident belge (Jacques) est propriétaire d’avoirs financiers à l’étranger. Le rapatriement ou la transmission patrimoniale deces avoirs risque de susciter certaines difficultés.
1. Le problème : justifier l’origine des capitaux
La banque belge subordonnera le rapatriement des capitaux à la justification de leur origine, et ce, afin de respecter ses obligations antiblanchiment. A défaut d’obtenir cette justification, le rapatriement sera généralement refusé. Ce refus entraînera souvent la clôture de l’ensemble des comptes de Jacques auprès de la banque approchée et la dénonciation de Jacques par cette institution à l’autorité compétente (Ctif). Tous les rapatriements sont potentiellement concernés : portefeuille de titres “en nature”, liquidités issues du rachat d’une assurance-vie, de la dissolution d’une structure étrangère, d’une vente de crypto-actifs, d’un immeuble, etc.
2. Démontrer que les capitaux ont été imposés adéquatement
La banque exigera généralement de Jacquesqu’il démontre que ses capitaux ont été adéquatement imposés depuis leur origine (ou qu’ils n’étaient pas imposables). Si Jacques a reçu les capitaux de ses parents (succession ou donation), il pourrait être amené à en justifier la légalité dans leur chef. Cette preuve est compliquée (voire, parfois impossible) à apporter : ancienneté des faits, ignorance de la manière dont les parents avaient constitué leur fortune, etc. À défaut de preuves directes, d’autres méthodes sont, le cas échéant, envisageables. Notre conseil : constituer un dossier documenté sur l’origine des capitaux, accompagné d’une justification légale de leur régularité sur le plan fiscal/pénal (legal opinion), et soumettre ce dossier à la banque avant le rapatriement. Ceci permettra d’éviter de nombreux écueils. Prudence, chaque banque a développé sa propre pratique et certaines s’avèrent plus strictes que d’autres dans l’appréciation des dossiers.
3. Réforme du blanchiment en 2024
Suite à une récente réforme, l’infraction de blanchiment a été élargie (1). L’infraction inclut désormais les capitaux issus de toute fraude fiscale (et non plus uniquement ceux issus de fraude “grave”) (2). La définition élargie du blanchiment pourrait impacter (négativement) la manière dont les banques analyseront les dossiers. Il n’est a priori pas exclu que les capitaux déjà rapatriés fassent l’objet d’un réexamen (look-back), lequel ne pourrait toutefois pas faire fi notamment du principe de la non-rétroactivité de la loi pénale. Petit rappel : la preuve d’une infraction revient
au ministère public et le fait de détenir des capitaux à l’étranger n’est pas en soi illicite.
4. Transmettre depuis l’étranger ?
Face aux difficultés évoquées, Jacques pourrait renoncer à un rapatriement. Tout en remplissant ses obligations déclaratives belges, il utiliserait ses capitaux ou les transmettrait à ses enfants
depuis l’étranger. Cela n’empêcherait pas Jacques (ni ses enfants) d’être questionné sur l’origine de ses capitaux étrangers. Une demande pourrait notamment survenir de la banque étrangère, du gestionnaire des fonds, d’un intervenant sollicité dans le cadre de la transmission patrimoniale (compagnie d’assurance, notaire, etc.).
5. Régulariser :encore possible ?
Dans le cas où Jacques n’aurait pas rempli ses obligations fiscales, il pourrait envisager une régularisation de ses avoirs. Toutefois, la procédure de DLU4 a pris fin au 1er janvier 2024. Bientôt
une DLU5… ? Dans l’attente, il existe d’autres possibilités de régularisation. La solution adéquate dépend de l’infraction à régulariser. Par exemple, une procédure informelle existe pour certaines infractions aux droits de succession (prélèvement de 36 % maximum). Au final, il est prudent pour les détenteurs d’un patrimoine à l’étranger (ou rapatrié par le passé, même couvert par une DLU) de réaliser un audit de celui-ci avec l’assistance d’un spécialiste indépendant. Cet audit permettra de s’assurer que l’origine est régulière et suffisamment documentée au regard des évolutions récentes et, au besoin, de réaliser les aménagements requis. Les personnes concernées pourront ainsi envisager sereinement un rapatriement et/ou une transmission à la génération suivante.