Publié le 29 janvier 2023
Source : L’Echo, le 29 janvier 2023
Accepter une succession sous bénéfice d’inventaire peut aussi réserver des déconvenues
Les héritiers croient à tort qu’accepter une succession sous bénéfice d’inventaire les met à l’abri de tout. Or, ils sont toujours redevables de droits de succession.
On ne sait pas forcément de quoi se compose la succession d’un proche, et à fortiori d’un lointain parent. On n’est donc jamais à l’abri d’une surprise… Car le patrimoine d’un défunt comprend des actifs (biens meubles et immeubles), mais également les dettes qu’il aurait contractées.
Les héritiers ne sont pas obligés d’accepter une succession. Ils peuvent également la refuser purement ou simplement, ou l’accepter sous bénéfice d’inventaire. Qu’est-ce que ça change? Et pourquoi l’option la plus prudente n’est pas exempte de risques?
Accepter sous bénéfice d’inventaire
Si vous n’avez aucune idée de ce que contient la succession, vous avez tout intérêt à accepter la succession « sous bénéfice d’inventaire ». Un notaire dressera l’inventaire de la succession (actifs et dettes).
- Si les avoirs sont supérieurs aux dettes, vous recevrez tout ou partie des biens du défunt, vous payerez les dettes et les droits de succession.
- Si les dettes sont supérieures aux avoirs, vous les paierez à concurrence de l’actif de la succession et vous n’hériterez de rien.
Fictions
Mais ce n’est pas toujours aussi simple. Les autorités fiscales peuvent, en effet, se baser sur des présomptions pour augmenter fictivement l’actif fiscal. Et cela peut réserver de mauvaises surprises aux héritiers qui se croient à tort protégés par l’acceptation sous bénéfice d’inventaire. « L’acceptation sous bénéfice d’inventaire protège l’héritier contre les dettes du défunt, mais pas contre les droits de succession qui sont propres à l’héritier », rappelle le notaire Sylvain Bavier.
De quoi parle-t-on? L’article 108 du code des droits de succession permet aux autorités fiscales qui établissent que le défunt était propriétaire, à un moment donné, de tel bien, de considérer que celui-ci fait fictivement encore partie de la succession, sauf preuve contraire apportée par l’héritier.
Gilles de Foy, avocat au cabinet Bazacle & Solon, illustre le propos dans un post sur LinkedIn. « L’administration a connaissance de la vente d’un immeuble dont le défunt était propriétaire dans les trois ans (cinq ans en Région wallonne) précédant son décès. Elle présume dès lors que le produit de la vente se retrouve dans le patrimoine du défunt au jour de son décès. Si l’héritier n’est pas en mesure de justifier l’utilisation faite par le défunt de l’actif considéré, il sera imposé sur ce montant. Et ce, même si l’actif net de la succession est équivalent à zéro, voire négatif. »
Lointains héritiers
« Ce genre de situation est plus fréquent qu’on ne le pense et concerne surtout des héritiers légaux d’un lointain parent qui ignorent complètement de quoi se compose la succession », témoigne Sylvain Bavier. « La première chose à déterminer, c’est si le défunt avait fait des donations ou vendu des biens dans les trois (Bruxelles et Flandre) ou cinq (Wallonie) dernières années de sa vie. »
Les recherches effectuées par le notaire au bureau de l’enregistrement permettront de retrouver la trace d’éventuelles ventes d’immeubles et, le cas échéant, leur prix. Des extraits de compte des trois ou cinq dernières années pourront être obtenus auprès des banques.
« L’héritier peut écarter l’application de l’article 108 du Code des droits de succession en démontrant, soit que le bien fait déjà partie des actifs réels imposables, mais il doit pouvoir dans ce cas établir la traçabilité exhaustive; soit que le défunt a dépensé la somme, une preuve généralement compliquée à apporter », explique Me Gregory Homans, avocat, associé gérant du cabinet Dekeyser & Associés.
« Mais si l’on ne peut pas justifier ce qu’il est advenu d’une somme – car le défunt a donné discrètement cet argent à quelqu’un par exemple-, les héritiers sont censés en avoir bénéficié… et sont donc taxés dessus, même s’ils n’en ont jamais vu la couleur », prévient le notaire Bavier.
La tuile est d’autant plus lourde lorsqu’il faut payer des droits de succession entre « étrangers » – ce qui est le cas des lointains héritiers – qui peuvent aller jusqu’à 80% sur la tranche la plus élevée à Bruxelles et en Wallonie.
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