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Ces erreurs de planification successorale qui coûtent cher

Publié le 21 novembre 2022

Source : L’Echo

Dekeyser & Associés - L'Echo - 21 novembre 2022 - Ces erreurs de planification successorale qui coûtent cher

 

Erreurs, omissions, manque de connaissances, oubli de mise à jour, etc. peuvent faire capoter votre planification successorale. Voici les grands classiques. Et les remèdes.

Préparer sa succession sans concertation avec ses héritiers ou en faisant l’impasse sur des principes de précaution élémentaires risque de coûter cher et de réserver de très mauvaises surprises. Tout aussi dangereux, ceux qui se renseignent, pensent qu’ils ont le temps, ne font rien et sont totalement pris au dépourvu le jour venu: il ne faut pas croire qu’on peut prendre beaucoup de dispositions in extremis…

Exemples tirés de leur pratique quotidienne à l’appui, notaires, avocats et spécialistes de la planification successorale ont listé les mauvais scénarios les plus fréquents, par thématiques et suggéré des dispositions à prendre pour les éviter.

Le testament

« À l’instar de la donation, le testament est un instrument de planification qui est trop souvent pris à la légère« , constate Sophie Slits, Legal adviser-Estate Planning à la banque Nagelmackers. Cela peut paraître simple de rédiger un testament sur une feuille de papier puis de le conserver dans une table de nuit. Sauf qu’il faut y mettre les formes pour qu’il soit valable, s’assurer qu’il sera trouvé le jour venu et qu’il ne tombera pas (entre-temps) dans de mauvaises mains qui pourraient le détruire.

Ce n’est pas tout! Le testament est souple: il peut être détruit, modifié et réécrit. Raison de plus pour le mettre à jour, en tenant compte de l’évolution de la législation, de sa situation familiale et de ses souhaits. « Depuis la réforme du droit successoral civil, en 2018, par exemple, la quotité disponible (part de son patrimoine que l’on peut léguer à qui on veut, par opposition à la part réservataire que la loi réserve aux héritiers, NDLR) correspond à la moitié du patrimoine, contre un quart auparavant », rappelle Sophie Slits. Cela laisse davantage de marge pour ceux qui planifient aujourd’hui, mais cela peut changer les choses pour les testaments anciens.

« Prenons le cas de Jean, qui, au décès de sa femme, en 2015, a rédigé un testament par lequel il lègue sa quotité disponible à la Fondation contre le Cancer et le solde à ses trois enfants. À l’époque, la Fondation recueillait 25%, et chacun des enfants 25%. Mais en vertu des nouvelles règles, si Jean décède sans avoir modifié son testament, la Fondation recueillera 50% et ses trois enfants se partageront l’autre moitié », note Gregory Homans, avocat associé gérant du cabinet Dekeyser & Associés. Cela fait une sacrée différence et cela ne correspond probablement pas à la volonté initiale de Jean.

L’assurance-vie

« La clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie peut réserver des surprises. C’est un grand classique », met en garde Sophie Slits, soulignant l’importance de revoir périodiquement tous vos documents importants pour les mettre à jour.

Dans le cadre d’une assurance-vie, le preneur désigne un bénéficiaire de l’assurance, c’est-à-dire la personne qui recueille les capitaux assurés au dénouement de la police. Imaginons que Jean ait désigné nommément sa femme, Alice, comme bénéficiaire. Le temps passe. Il divorce, se remarie avec Louise et ne repense plus à ce contrat. À son décès, c’est Alice qui touchera l’assurance-vie. « Assurez-vous que la clause bénéficiaire de votre police soit toujours conforme à l’évolution de votre situation personnelle pour éviter les conflits« , conseille Grégory Homans. « Pour éviter tout risque, il suffit de désigner le bénéficiaire du contrat de manière générique: mon épouse (sans préciser ses nom et prénom) », ajoute-t-il.

Les donations non enregistrées

La tentation de faire des donations sans les enregistrer est grande. On ne paie pas de droits de donation et on évite les formalités, le seul risque étant qu’en cas de décès du donateur dans les 3 ans (5 ans en Wallonie), la donation soit intégrée dans sa succession avec, à la clé, une fiscalité plus lourde que celle sur les donations.

« Certes, du point de vue fiscal, on peut faire des donations non enregistrées. Mais on perd de vue que le Code civil stipule que, pour être correcte, une donation doit être faite par acte notarié« , précise Sylvain Bavier, notaire. « Il est donc déjà arrivé – et il existe de la jurisprudence à ce sujet – qu’un parent signifie à son enfant que la donation qu’il a reçue n’est pas valable et qu’il demande dès lors son annulation. »

« Si une donation peut paraître un acte simple et anodin, elle a des conséquences civiles et fiscales », appuie Sophie Slits. En faisant l’économie de l’enregistrement d’une donation, on néglige aussi l’importance d’en conserver la trace. Prenons le cas de parents qui font une donation à leur aîné avec l’intention de faire pareil, plus tard, pour ses frères et sœurs, mais qui ne le font pas, ou n’en ont plus l’occasion (décès, problème financier). « Conserver une preuve de cette donation (papier ou dans le coffre-fort digital Izimi, par exemple) est essentiel pour restaurer l’équilibre entre les enfants, prouver qui a reçu quoi« , insiste-t-elle.

Même si ce n’est pas un réflexe naturel, Boris De Vleeschouwer, Expert Succession chez Legacio, conseille d’envisager le pire et, dès lors, de prévoir dans l’acte de donation une clause de retour conventionnel. En cas de décès du donataire, le bien donné retourne alors, de plein droit, dans le patrimoine du donateur. Un exemple? Jean fait donation de 500.000 euros à son fils Louis. Son fils décède. Alice, la fille de Louis, devra payer des droits de succession sur cette somme. Si Jean a prévu une clause de retour conventionnel dans le pacte adjoint signé avec Louis lors de la donation, il récupérera les 500.000 euros et pourra en faire donation directement à Alice. Et même s’il enregistre cette donation, ce sera de toute façon à un coût bien inférieur aux droits de succession qu’Alice aurait dû payer en héritant de Louis!

La donation d’immeubles

« Lorsque des parents envisagent une transmission, c’est quasi systématiquement l’objectif fiscal qui est à la base de leur réflexion. Or, si réfléchir à transmettre son patrimoine à moindre coût est légitime, il faut avant tout s’assurer que l’opération profite vraiment aux enfants et qu’ils aient l’intention de conserver ce patrimoine. Sinon, cela n’a aucun sens », cadre d’entrée de jeu le notaire Renaud Grégoire.

La transmission des immeubles est un exemple classique. Fréquemment témoin de situations où il est évident que les enfants n’ont que faire des immeubles et qu’ils vont donc s’empresser de vendre, le notaire déplore « une opération ratée. On n’a peut-être pas payé beaucoup de droits de donation ou de succession, mais les enfants ont supporté des frais inutiles en vendant. » Tout ça pour rien, en définitive!

Démonstration. Un couple a trois enfants et possède trois biens immobiliers. Pour faire simple, les parents veulent donner un immeuble à chaque enfant, en compensant au besoin si ces biens n’ont pas la même valeur. Ce faisant, ils omettent de se poser les seules bonnes questions. « Ces immeubles sont-ils au goût des enfants ou les intéressent-ils? Ne sont-ils pas de nature à créer une différence entre eux? S’ils conservent l’usufruit et que les enfants n’héritent de la pleine propriété qu’à 50 ou 60 ans, cela a-t-il un sens? » interroge Renaud Grégoire.

La base, c’est de discuter pour s’assurer qu’on connaît les souhaits et plans de vie des enfants. « Et accepter que cela ne correspond pas forcément à ce qu’on avait imaginé ou désiré. Se dire qu’in fine, c’est de toute façon eux qui auront la main et feront ce qu’ils veulent de ce dont ils hériteront« , philosophe Renaud Grégoire. Alors autant planifier en connaissance de cause.

L’achat scindé

De nombreux couples belges qui acquièrent un immeuble de rapport ou une résidence secondaire privilégient l’achat scindé. Une formule fiscalement intéressante: les parents acquièrent l’usufruit, et les enfants acquièrent la nue-propriété, en général avec des fonds que les parents leur donnent. « Dans notre pratique, nous constatons que l’achat scindé présente souvent des coquilles qui peuvent avoir des conséquences fiscales fâcheuses« , note Me Grégory Homans.

Des coquilles, en voici. « L’offre d’achat prévoit que les acquéreurs sont seulement les parents, alors que l’achat final est réalisé par les parents en usufruit et par les enfants en nue-propriété. » « Il arrive aussi que les parents ne donnent qu’une partie des fonds lors du paiement de l’acompte et une autre lors du paiement du solde, alors qu’ils devraient donner l’intégralité du prix permettant de financer la nue-propriété avant le premier paiement, etc. »

Or, pour éviter d’être qualifié d’abus fiscal, l’achat scindé doit répondre à des conditions et procédures très strictes. « Il faut anticiper la réalisation de sa planification successorale pour la réaliser correctement », insiste l’avocat.

Les éléments d’extranéité

Dans une planification successorale, « il est essentiel de tenir compte des éléments d’extranéité (la situation géographique des biens et des personnes) qui peuvent aussi bien entraîner une double taxation que l’absence de taxation« , souligne Boris De Vleeschouwer, exemples à l’appui.

Jean fait donation à Louis et Léa de la nue-propriété de sa villa d’une valeur de 200.000 euros. En Belgique, la donation immobilière d’un bien situé à l’étranger n’est pas taxée. En France, par contre, on impute la valeur de l’usufruit réservé par le donateur sur la base imposable sur laquelle on calcule l’impôt de donation dû par le donataire. Un abattement de 100.000 euros par parent/enfant est en outre prévu pour toute transmission. « Résultat, l’opération n’entraîne aucune taxation en France. Si la villa était revenue aux enfants par héritage, au décès de Jean, ils auraient dû payer des droits de succession tant en Belgique qu’en France (avec la possibilité, toutefois, de demander de réduire l’impôt belge à concurrence de l’impôt français, si certaines conditions sont remplies) », observe Boris De Vleeschouwer.

Autre cas de figure: Jean fait donation d’un chalet en Suisse à son fils Louis. En Belgique, la donation immobilière d’un bien situé à l’étranger n’entraîne pas de taxation. En Suisse, la donation immobilière à un enfant n’entraîne pas de taxation. Le bien est donc transmis par donation en échappant à tout impôt. Dans le cadre d’un héritage, par contre, des droits de succession en Belgique seraient dus par Louis au décès de Jean (au tarif maximal de 27 ou 30% selon la Région compétente).

« La légèreté dans la réalisation des donations en faveur d’une personne non résidente peut avoir des conséquences économiques importantes« , confirme Me Homans. Jean souhaite faire donation d’une partie de ses avoirs auprès d’une banque belge à ses deux enfants, dont l’un réside en Belgique et l’autre en France. « Les autorités fiscales françaises prélèvent des droits de donation (dont le taux est progressif et peut atteindre jusqu’à 45% en ligne directe) si le donataire est résident français lors de la donation et l’a été depuis un certain temps avant la donation. Or, il est généralement possible de réaliser une donation d’avoirs financiers dans un contexte franco-belge à des conditions fiscales très favorables. »

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2022-12-22T19:39:17+02:0021 novembre 22|