Publié le 7 décembre 2021
Donations, assurance-vie, fiscalité auto, le décret fiscal wallon a été bloqué in extremis par le MR, qui dénonce une attaque sur la classe moyenne. Mais que contenait-il encore?
Le décret wallon pour un impôt plus juste a été arrêté juste avant de franchir la ligne d’arrivée de son parcours législatif. Porté par le ministre des Finances Jean-Luc Crucke (MR), le coup d’arrêt aurait été donné, in extremis, par le président du MR Georges-Louis Bouchez. L’argument est le suivant: une révision plus globale de la fiscalité doit être menée afin de donner de l’oxygène aux classes moyennes. Or, ce sont justement elles qui sont visées dans le projet de décret, et elles sont les seules à fournir un effort. Selon l’avocat fiscaliste Denis-Emmanuel Philippe, “Georges-Louis Bouchez s’oppose de façon dogmatique à tout nouvel impôt. C’est dommage, car les mesures fiscales du décret wallon me paraissent favoriser la justice fiscale. Contrairement à ce que Monsieur Bouchez affirme, ces mesures ne frappent pas plus la classe moyenne que les super riches ou les Belges moins aisés”. En réalité, de quoi parle-t-on?
Le texte prévoyait une série de mesures destinées à empêcher le contournement de l’impôt. Que ce soit en limitant les possibilités de planification successorale, ou en réservant les utilitaires (fiscalement avantageux) aux seuls professionnels.
1/ Encourager les donations enregistrées
C’est sans doute cette mesure qui était la plus sensible. Le décret prévoyait d’allonger la période « suspecte » qui suit une donation mobilière non enregistrée de trois à cinq ans. Concrètement, une donation non enregistrée ne génère aucun droit de donation. Mais si le donateur décède dans les trois ans après la donation, celle-ci revient dans la succession et est taxée comme telle aux droits de succession. La solution pour ne pas courir ce risque fiscal: faire enregistrer la donation moyennant le paiement de droits d’enregistrement de 3,3% (en ligne directe, conjoints ou cohabitants légaux) ou de 5,5% (dans tous les autres cas). En allongeant la période de trois à cinq ans, le décret allait en réalité encourager les donateurs à faire enregistrer les donations. « Au sens strict, cette mesure ne crée pas un nouvel impôt. Toutefois, la perception du grand public a été différente. Surtout qu’à l’origine, un ‘effet rétroactif’ était assorti afin que cette extension concerne également les donations mobilières réalisées depuis le 1er janvier 2019. De nombreuses personnes se sentaient en quelque sorte piégées par ce changement législatif », explique Grégory Homans, avocat associé au cabinet Dekeyser & Associés. Selon Thierry Litannie, avocat fiscaliste, « cette mesure ne vise pas que la classe moyenne. Mais ce sont eux qui vont souffrir, car des droits de donation de 3,3% représentent beaucoup pour des personnes qui n’ont pas un gros patrimoine« . Pour Denis-Emmanuel Philippe, « les donations aux enfants ne sont, en effet, pas l’apanage de la classe moyenne. Cela concerne les plus riches, mais aussi les moins aisés ».
2/ Taxation des assurances-vie
Le décret effectuait une série de corrections afin de limiter l’attrait fiscal d’une planification successorale via l’assurance-vie. Ainsi, il prévoyait qu’en cas de donation d’assurance-vie, la personne gratifiée serait taxée en droits de succession sur l’éventuelle plus-value réalisée entre le moment de la donation et celui du décès du donateur.
« À nouveau, ce sont les personnes à qui l’on a conseillé ce type de planification qui vont en souffrir. Ceux qui ont un patrimoine plus élevé auront les moyens financiers de s’adapter », selon Thierry Litannie.
Cependant, selon Grégory Homans, « la communication autour de ces mesures n’a pas été la meilleure qui soit. En effet, le projet de décret avait le mérite de clarifier certains points litigieux et d’apporter ainsi une sécurité juridique et fiscale en la matière. Augmentait-il l’impôt? Pas toujours. Tout dépend du cas d’espèce. Par exemple, le projet de décret s’avérait même favorable, dans certaines circonstances, pour les époux ayant souscrit ensemble une police se dénouant au décès du dernier d’entre. Dans ce cas, la taxation n’allait plus avoir lieu au décès du premier conjoint, mais uniquement au décès du second, ce qui offrait la possibilité au survivant de s’organiser, sous certaines conditions, pour éviter tout impôt lors du dénouement de la police ».
3/ Exit les faux utilitaires
Une mesure qui n’avait pas vraiment suscité d’opposition ni de commentaires était la suivante: dès 2022, il aurait été interdit d’immatriculer un pickup ou un SUV comme « utilitaire » et de s’en servir en réalité pour un usage totalement privé. De fait, les utilitaires bénéficient d’un régime fiscal très avantageux (pas de taxe de mise en circulation et taxe de circulation forfaitaire maximale de 148,76 euros). Le texte prévoyait qu’à partir de 2022, seules les camionnettes fiscales destinées à un usage professionnel pourraient bénéficier de ce régime fiscal favorable.
Dekeyser & Associés - L'Echo - 7 décembre 2021 - En quoi le décret pour un impôt plus juste visait-il la classe moyenne wallonnePour télécharger ou imprimer ce document PDF, veuillez cliquer sur l'icon ci-dessus