Publié le 6 octobre 2018
Des modifications légales sont intervenues cette année. Une analyse de Maîtres Manoël Dekeyser et Sébastien Thiry, du cabinet d’avocats Dekeyser & Associés.
Plusieurs modifications légales en 2018 touchent à l’intérêt de détenir un immeuble en société et aux donations immobilières.
Détention d’un immeuble en société
Il est fréquent qu’une société achète un immeuble pour le mettre gratuitement à la disposition de son gérant. L’achat est ainsi financé par la société et celle-ci peut déduire les frais liés au bien (droits d’enregistrement, amortissements, travaux, etc.). Bien entendu, en contrepartie, elle sera taxée lors de la revente du bien, alors que le particulier qui vend un immeuble est souvent exonéré d’impôt sur la plus-value.
Notre pratique fait apparaître que le fisc tente fréquemment de rejeter la déduction de ces frais, en particulier lorsque la société détient le bien en usufruit. Le fisc a cherché à faire admettre qu’il fallait que la société ait un objet social immobilier pour pouvoir déduire les frais. En vain. Il a ensuite cherché à soumettre la déduction des frais à la preuve de prestations spécifiques accomplies par le gérant en contrepartie de l’avantage-logement dont il bénéficie. La Cour de cassation a donné raison au fisc et les Cours d’appel de Mons, Anvers et Gand ont fourni depuis lors certaines indications sur les preuves à apporter pour justifier d’une rémunération adéquate. Il est donc recommandé aux contribuables de se constituer un dossier de pièces adapté à ces nouvelles exigences.
Vient la question de l’imposition du gérant. L’avantage que représente, pour ce dernier, l’occupation gratuite de l’immeuble constitue un avantage de toute nature (ATN) imposable. L’ATN est calculé à partir du revenu cadastral suivant des règles fixées par arrêté royal. Ce forfait était élevé et a été invalidé et réduit au mois de mai 2018. On s’attend toutefois à ce qu’il soit révisé à la hausse par le gouvernement dans quelques semaines.
Donation immobilière
Donner de son vivant permet aux héritiers d’éviter de payer des droits de succession. Si un immeuble est détenu en société, les parts de celle-ci pourront être données, et ce, sans impôt s’il n’y a pas de simulation (déguiser une vente d’immeuble en donation de parts). Si l’immeuble est détenu en nom propre, par contre, la donation est soumise à des droits de donation. Depuis 2018, les taux de ces derniers sont identiques dans les 3 Régions (réduction des taux applicables en Wallonie). Comme les droits de donation immobilière sont significativement moins élevés que les droits de succession, il est plus avantageux de donner un immeuble que de le léguer. Pour un immeuble de 500 000 € détenu par un résident bruxellois, une donation (plutôt qu’un legs) à une personne permet de réaliser une économie d’impôt d’environ 23 000 €. L’économie peut être augmentée moyennant certains aménagements.
D’un point de vue civil, les donations peuvent être effectuées de manière à permettre au donateur de conserver des droits très étendus sur l’immeuble donné : l’occuper gracieusement, le donner en location, voire même garder le droit de le vendre et bénéficier du prix de vente ou d’une partie de celui-ci.
L’entrée en vigueur de la réforme du droit des successions et du droit matrimonial (1/9/2018) a modifié plusieurs règles applicables aux donations immobilières. Un changement important concerne le rapport des donations entre enfants. Les anciennes modalités étaient parfois source d’iniquité entre les héritiers.
Prenons le cas d’un homme qui possède 2 immeubles de 300 000 € chacun : l’un est détenu en société, l’autre en nom propre. Il donne les actions de la société au cadet et l’immeuble à son fils aîné. À son décès, les immeubles ont doublé de valeur. En application des anciennes règles du rapport, le fils aîné devait rapporter à la succession un montant de 600 000 € (valeur au jour du décès) alors que le cadet rapportait 300 000 € (la valeur au jour de la donation, pour les biens mobiliers comme des actions). Ce dernier pouvait donc réclamer une compensation à son aîné (alors qu’ils avaient reçu un bien de même valeur au départ).
Depuis le 1er septembre 2018, les deux fils sont réputés avoir reçu une donation d’une valeur identique (300 000 €, la valeur au jour de la donation). Une modification radicale en matière de donation, pour le conjoint cette fois, consiste en ceci : suivant les anciennes règles, si un des parents donnait un immeuble à ses enfants, le conjoint marié du donateur recevait l’usufruit du bien au décès du donateur, par l’effet du « rapport successoral » et ceci n’était pas taxable. Dorénavant, il ne recevra plus l’usufruit que si le donateur se l’était d’abord réservé pour lui-même et que la donation intervient pendant le mariage ; il pourrait de surcroît être taxé sur cet usufruit (position de la Flandre ; les autres Régions ne se sont pas encore prononcées). Quant au conjoint de secondes noces, il peut dorénavant être privé de tout droit sur les immeubles donnés avant le mariage, en présence d’enfants d’une première union du donateur.
Vu l’importance des changements survenus en 2018, il est recommandé de vérifier que les objectifs que le donateur poursuivait au moment de sa donation sont toujours rencontrés.
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