La fiscalité de l’assurance-vie est stable depuis bientôt cinq ans, alors que celle d’autres placements s’alourdit. En France, le régime de faveur va bientôt tomber. Et en Belgique?
La Belgique pourrait-elle, à l’instar de la France, bouleverser la niche fiscale de l’assurance-vie? Nul ne peut l’exclure! En droit fiscal, copier sur son voisin est habituel. Grégory Homans, avocat associé au cabinet Dekeyser & Associés. |
L’assurance-vie restera-t-elle une niche fiscale? Depuis plusieurs années, les impôts qui frappent la plupart des produits financiers ne cessent de s’alourdir, tandis que les assurances-placements échappent quant à elles à cette pression fiscale accrue. Une exception durable? Pas nécessairement. En France, un régime d’exception comparable va bientôt disparaître. Et en Belgique, le traitement fiscal discriminatoire entre assurance-vie et autres placements interpelle.
En Belgique, l’assurance-vie n’est taxée qu’à l’entrée, en principe. Il est possible que cette taxe de 2% sur la prime d’assurance soit le seul impôt dû par l’investisseur. Cette contribution est inchangée depuis janvier 2013, quand le gouvernement avait porté son taux de 1,1% à 2%.
La Branche 23, une niche fiscale
Dans le même laps de temps, d’autres placements ont vu leur régime fiscal se corser:
- Le précompte mobilier, qui frappe notamment les dividendes d’actions, les intérêts d’obligations ou encore les revenus de fonds d’investissement, est passé de 15% à 21% en 2012 puis à 25% en 2013, à 27% en 2016 et à 30% en 2017.
- La taxe sur les opérations de Bourse (TOB), qui frappe la valeur d’une transaction boursière – achat ou vente – sur des actions, des obligations, voire des fonds et trackers, a aussi augmenté au fil du temps. En 2014, les trois taux applicables – selon l’actif financier concerné – étaient de 0,09%, 0,25% et 1%, la taxe étant en outre plafonnée à 650, 740 et 1.500 euros respectivement. Depuis lors, plusieurs augmentations du tarif ont été adoptées, si bien qu’en 2018, les taux de la TOB seront de 0,12%, 0,35% et 1,32%, avec des plafonds respectifs de 1.300, 1.600 et 4.000 euros.
- La taxe qui frappe la plus-value réalisée sur la partie obligataire des sicav de capitalisation a aussi été renforcée ces dernières années. D’une part, parce qu’elle a suivi la hausse du précompte mobilier (voir ci-avant) mais aussi, d’autre part, parce que le gouvernement a progressivement réduit le pourcentage minimum d’obligations qu’une telle sicav doit détenir pour que la taxe s’applique : il est passé de 40% à 25% en 2013 puis passera à 10% en 2018.
- Par ailleurs, l’Etat fédéral taxera dès l’an prochain à 0,15% les comptes-titres dont l’encours atteint 500.000 euros. On trouve sur ces comptes des actions cotées, des obligations cotées ou non et des fonds mais pas des assurances-vie.
L’évolution récente de la fiscalité des placements a donc surtout affecté d’autres instruments financiers que les assurances-vie. Or, les polices dites de la Branche 23 permettent d’investir dans toutes sortes de produits, qu’il s’agisse d’actions ou d’obligations, notamment, mais sans subir les impôts qui frappent ces titres ainsi que les fonds qui investissent de la même manière. La fiscalité actuelle fait donc de l’assurance-vie, et en particulier de la Branche 23, une niche fiscale pour ceux qui désirent investir dans des actifs cotés.
Une niche pérenne ?
Mais aujourd’hui, certains s’interrogent sur la pérennité de ce traitement de faveur. « Le lobby de l’assurance a bien fait son travail », reconnaît un banquier souhaitant rester anonyme. « Mais il n’est pas certain que les placements de la Branche 23 resteront à l’abri de toute hausse de la pression fiscale à l’avenir. »
« Lorsqu’un contribuable souhaite profiter d’une niche fiscale, il doit être conscient et assumer le fait que cette niche pourrait ne pas être pérenne« , prévient Grégory Homans, avocat-associé au cabinet Dekeyser & Associés. « Vu la hausse de la fiscalité sur les revenus et le capital des particuliers, le recours à une police d’assurance-vie est très séduisant. Les investisseurs doivent être informés du coût global inhérent à l’utilisation d’une assurance-vie (taxe d’entrée et détail des frais des intermédiaires et de la compagnie) et du risque que le régime fiscal favorable propre à l’assurance-vie puisse un jour évoluer. L’opportunisme fiscal aveugle peut parfois être préjudiciable. »
Pour illustrer ce raisonnement, Me G. Homans relève, qu’en France, la niche fiscale de l’assurance-vie est en train de perdre de sa superbe. Chez nos voisins, jusqu’à présent, ce placement subit seulement un impôt de 7,5% après huit ans, ainsi qu’une contribution sociale. Mais à partir de 2018, selon la loi de finances actuellement discutée au parlement français, l’assurance vie devrait être soumise à un prélèvement forfaitaire unique de 30%.
La Belgique copiera-t-elle la France?
« Cette ‘flat tax’ (taxe à taux unique, ndlr) ne toucherait toutefois que certaines polices ayant été alimentées après le 27 septembre 2017 », précise Me Homans. « En outre, Il faudra que l’ensemble des avoirs en assurance-vie du contribuable atteigne 150.000 euros. Enfin, il sera toujours possible d’opter pour être taxé au taux progressif de l’impôt des personnes physiques plutôt que de supporter cette flat tax, ce qui pourra être avantageux dans certains cas. »
Mais même en tenant compte de ces conditions et limites, « le gouvernement Macron a bouleversé la niche assurantielle« , constate Me Homans. Ce dernier précise qu’ »un ‘nouveau’ résident belge qui rachète une assurance-vie française peut, dans certaines conditions, éviter tout impôt belge et français sur ce rachat et ce, malgré l’instauration de la flat tax. »
Pourrait-on assister à un tel basculement en Belgique ? « Nul ne peut l’exclure! En droit fiscal, copier sur son voisin est habituel », répond Me Homans. « Si l’assurance-vie est un produit idéal – fût-ce temporairement – vu l’évolution de la fiscalité sur les revenus des particuliers, d’autres considérations peuvent orienter l’investisseur vers ce produit. Par exemple, la planification successorale. En effet, une assurance-vie correctement structurée permet à une personne de transférer, à son décès, ses avoirs financiers à ses enfants ou à d’autres personnes en exonération d’impôt. En outre, l’assurance offre toute la souplesse requise dans le cadre d’une organisation patrimoniale pour permettre à une personne de donner sans se dépouiller », conclut Me G. Homans.
Philippe Galloy, le 12 octobre 2017
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