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Dernier ultimatum aux fraudeurs fiscaux

Laurent Lambrecht, 20 mars 2018

Jusqu’au 13 avril, il sera possible de présenter un dossier de régularisation fiscale pour un montant provisoire d’un euro. Le but est de permettre aux contribuables d’introduire leur demande avant que le fisc ne démarre ses enquêtes.

Le ministre des Finances aimerait que la procédure de régularisation fiscale permanente, la fameuse DLU-4, soit un succès. Ces derniers temps, Johan Van Overtveldt (N-VA) a ainsi multiplié les annonces afin d’inciter les contribuables disposant encore de capitaux non déclarés à l’étranger à se mettre en ordre. En février, il avait donné instruction à l’Inspection spéciale des impôts (Isi) d’inviter par courrier les Belges concernés à régulariser leur situation. Faute de réaction, l’Isi est censée dénoncer les contribuables récalcitrants aux parquets en vue de poursuites pénales.

L’administration fiscale et son ministre de tutelle sont en position de force dans ce dossier. Grâce à l’échange automatique d’informations fiscales qui a débuté l’année dernière sur base de la situation en 2016, le fisc belge en sait davantage sur les comptes logés à l’étranger que sur ceux détenus dans des banques belges. En outre, au mois de septembre, le fisc belge recevra les informations en provenance des pays ayant démarré cet échange automatique une année plus tard, notamment la Suisse.

Un euro pour six mois de répit

Pour favoriser le recours à la DLU-4, le ministre des Finances vient d’octroyer un délai supplémentaire aux personnes qui voudraient régulariser leur situation. Ce dernier a annoncé que les contribuables concernés auront jusqu’au vendredi 13 avril pour introduire une régularisation provisoire d’un montant d’un euro. Le dossier devra être complété dans les six mois, faute de quoi il sera considéré comme irrecevable, peut-on lire dans un compte rendu des déclarations du ministre à la Chambre.

Selon Johan Van Overtveldt, la loi prévoit que les sommes exactes doivent être connues au moment de l’introduction d’un dossier au Point de contact-régularisations. Etant donné qu’une banque étrangère met parfois plusieurs mois pour envoyer les documents nécessaires, certaines personnes n’ont pas la possibilité d’introduire un dossier rapidement.

Or, il devient urgent de se mettre en ordre. Si le fisc belge devait entamer une enquête sur base des informations reçues de l’étranger, le contribuable concerné n’aurait plus le droit d’introduire une demande de régularisation spontanée. Et il perdrait en conséquence la possibilité de bénéficier d’une immunité pénale. D’où l’idée de Johan Van Overtveldt d’accorder ce délai jusqu’au 13 avril.

« C’est plutôt bien vu de Johan Van Overtveldt qui espère booster les recettes budgétaires de la DLU-4, commente Denis-Emmanuel Philippe, avocat chez Bloom Law et professeur à l’Ulg. Cela peut prendre facilement trois à six mois pour recevoir des informations de la part des banques étrangères. Grâce à ce coup de pouce, il sera possible d’introduire un dossier de régularisation avant que le fisc ne reçoive la deuxième salve d’informations venant de l’étranger, notamment de la Suisse, de Monaco et de Hong Kong. »

Double danger

« C’est plutôt pragmatique de la part de Johan Van Overtveldt. Cette procédure, qui existait déjà dans la plupart des autres DLU, permet de prendre le fisc de vitesse et d’introduire un dossier plus rapidement, ajoute Grégory Homans, avocat-associé chez Dekeyser & Associés. Le seul souci est que le contribuable concerné devra introduire son dossier sans savoir le coût précis de la régularisation. Or, la DLU-4 ne permet pas de retirer sa demande si on n’est pas satisfait des conditions. Ne pas finaliser son dossier présente un double risque. Le Point de contact-régularisations pourrait considérer qu’il est autorisé à dénoncer le contribuable qui ne compléterait pas son dossier. En outre, en cas de rapatriement des fonds, la banque belge pourrait dénoncer le contribuable qui n’irait pas au bout du processus à la CTIF. »

Pour Sabrina Scarnà, avocate au bureau Tetra Law, il n’y a rien de nouveau dans cette procédure. « Johan Van Overtveldt ne fait que confirmer quelque chose qui existe dans la loi, déclare-t-elle. A l’approche de la fin d’année, il arrive souvent d’introduire des dossiers provisoires afin qu’un client bénéficie des conditions de l’année en cours. »

Pourquoi le ministre fait-il référence à cette date limite du 13 avril alors ? « J’interprète cette déclaration comme un stand-by, analyse Sabrina Scarnà. Vous avez jusqu’au 13 avril pour introduire vos dossiers de régularisation. Durant ce laps de temps, l’administration fiscale ne vous enverra pas de demandes de renseignements. »

Reste une question importante. Y a-t-il encore beaucoup de Belges qui ont des capitaux non déclarés à l’étranger. « Il y a certainement plus de Belges qui n’ont pas régularisé en Suisse qu’au Luxembourg », estime Sabrina Scarnà.

Le chiffre: 38%

Lorsque les capitaux sont prescrits (c’est-à-dire hors de portée du fisc), un prélèvement de 38 % est effectué dans le cadre de la DLU-4, en 2018, si le contribuable ne peut prouver qu’ils ont subi leur régime d’imposition normal. Rappelons qu’en cas de prescription fiscale, des poursuites pénales pour blanchiment sont toujours possibles. Le fisc et Johan Van Overtveldt (N-VA) parient certainement sur fait qu’un contribuable préférera payer 38 % que d’affronter un procès à l’issue duquel il risque une confiscation totale de son capital.

 

Source : La Libre 

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