Publié le 30 novembre 2024
Les spécificités régionales en matière de droits de succession sont-elles de nature à faire naître une concurrence? Cela vaudrait-il la peine de déménager pour en profiter?
Les droits de succession varient selon les Régions, en fonction des liens de parenté entre le défunt et les héritiers (conjoint, enfant, parent, famille, ami, personne morale) et du montant de l’héritage.
En matière de réformes, jusqu’ici, c’est quasi systématiquement la Flandre qui a donné le la, incitant les autres Régions à envisager un repositionnement.
Cette année, la Wallonie a pris le lead. Peu après que le gouvernement dirigé par Adrien Dolimont (MR) annonce la réforme des droits de succession, le gouvernement flamand a emboîté le pas, en présentant des allègements de tarifs ciblés sur les petites et moyennes successions.
Il existe donc bien un phénomène si pas d’alignement, de contagion ou d’invitation à reconsidérer la situation. Peut-on pour autant parler de concurrence entre les Régions? Pas vraiment.
Les personnes qui envisagent uniquement leur planification sous cet angle réducteur ne sont pas nombreuses.
D’autant qu’un déménagement « last minute » n’est pas payant. C’est en effet la Région dans laquelle le défunt a été domicilié le plus longtemps au cours des cinq dernières années qui est compétente pour les droits de succession. Il faut donc y avoir résidé au moins deux ans et demi pour profiter d’une fiscalité qui serait à certains égards plus avantageuse.
Il n’empêche, il est intéressant de connaître ces particularités régionales relatives aux successions. Nous les avons parcourues avec l’avocat Grégory Homans, partner au cabinet Dekeyser & Associés.
L’impôt successoral
- EnRégion flamande, c’est Vlabel (Vlaamse Belastingdienst) qui est chargé de la perception de l’impôt successoral ;
- En Région bruxelloise et en Wallonie, cette mission est, pour l’instant, assurée par le SPF Finances. Le gouvernement Dolimont a l’intention de récupérer cette prérogative dans la perspective de la réforme des droits de succession qui doit entrer en vigueur en 2028en Wallonie.
1. L’assiette des droits de succession
En Flandre, les droits de succession sont calculés séparément sur le patrimoine mobilier d’une part, et sur le patrimoine immobilier de l’autre, ce qui, en dépit d’une progression plus rapide des tranches d’imposition, limite significativement la facture globale. Grâce à ce fractionnement, les héritiers se retrouvent moins vite dans les tranches d’imposition supérieures.
En Wallonie et à Bruxelles, les biens mobiliers et immobiliers sont globalisés. En Région wallonne, la réforme des droits de succession qui prévoit la diminution de moitié des taux en 2028 devrait toutefois alléger la note finale.
Si rares sont les personnes qui vont délibérément choisir de s’installer dans une Région dans une optique purement successorale, « cette option fiscalement attractive (voir exemple dans l’encadré ci-dessous) peut être considérée par deux catégories de personnes bien précises », observe Grégory Homans.
« Les nouveaux résidents qui n’ont aucune attache particulière, et les retraités qui ont vendu leur maison, devenue trop grande et qui, à l’heure de choisir leur nouveau domicile, peuvent opter pour la Côte ou des communes flamandes de la périphérie bruxelloise s’ils résidaient dans la Capitale ou à proximité ».
Exemple
Prenons l’exemple d’un couple avec deux enfants. Les parents sont propriétaires, chacun à 50% :- d’un immeuble d’une valeur de 400.000 euros ;
– d’avoirs financiers belges de 400.000 euros.
Ils décèdent concomitamment. En fonction de la Région où le couple résidait, les droits de succession à payer par les enfants seront de :
- environ 000 eurosen Région bruxelloise ;
- environ 500 euros(environ 42.500 euros selon les taux en vigueur en 2028) en Région wallonne ;
- environ 00 euros(environ 12.000 euros au plus tôt en 2026 et au plus tard en 2029) en Région flamande.*
Les écarts sont importants et l’économie supplémentaire qui pourra être réalisée avec la mise en œuvre des réformes annoncées par les gouvernements wallon et flamand pour les années à venir va accroître le « handicap » de la capitale, toujours en attente d’un gouvernement et où aucun projet de ce type n’est pour l’heure à l’ordre du jour.
*Calculs fournis par Grégory Homans, réalisés par simulateurs automatiques.
2. La globalisation des avoirs (neveux/oncles et autres personnes)
À Bruxelles et en Flandre, les héritiers en ligne directe, entre époux, cohabitants légaux et frères et sœurs sont taxés séparément sur le montant qu’ils reçoivent. Les tranches des droits de succession sont calculées par personne.
Pour les successions entre oncles ou tantes et nièces ou neveux, ou entre toutes autres personnes, les parts reçues par les héritiers de la catégorie concernée sont globalisées pour déterminer la tranche de taxation.
« Concrètement, si je n’ai pas de famille proche et que je souhaite léguer 600.000 euros à mes trois neveux, on va considérer fictivement que je lègue ce montant à un seul neveu pour déterminer le taux d’imposition qui sera de ce fait très élevé. Les droits de succession dus à l’administration sont ensuite répartis entre héritiers, en fonction de la part nette recueillie par chacun ».
En Wallonie, ce n’est pas le cas. Chaque neveu sera imposé sur sa part (200.000 euros). Selon Grégory Homans, c’est une particularité qui est aussi susceptible de motiver une « délocalisation » par pur intérêt successoral.
3. L’imputation des droits de succession/mutation étrangers
En Belgique, les héritiers doivent payer des droits de succession sur le patrimoine mondial du défunt, c’est-à-dire sur ses biens mobiliers et immobiliers belges comme étrangers. « Jusqu’il y a peu, le droit belge autorisait la déduction des impôts étrangers payés sur les seules mutations mobilières. La Cour de justice de l’Union européenne a estimé que cette différence de traitement selon la nature des actifs n’était pas normale. Les Régions bruxelloise et flamande se sont alignées sur cette position, mais pas la Wallonie », observe Me Homans.
4. L’impact fiscal d’une renonciation à une succession
Traditionnellement, en cas de renonciation à une succession, les droits de succession dus par les bénéficiaires de cette renonciation ne pouvaient être inférieurs à ceux dus par le renonçant.
La Flandre et Bruxelles se sont écartées de cette position: les droits de succession sont déterminés dans le chef de ceux qui profitent de la renonciation.
En Wallonie, les droits de succession étaient jusqu’ici toujours déterminés dans le chef du renonçant. Mais à partir du 1er janvier 2025, ce sont les bénéficiaires qui seront imposés sur leur part nette, comme dans les deux autres Régions.
5. La durée de la période suspecte pour les donations mobilières
Lorsqu’un donateur opte pour une donation mobilière non enregistrée – qui permet d’éviter de payer des droits de donation – il devra rester en vie durant un certain temps après (c’est ce que l’on appelle la « période suspecte »), faute de quoi la donation sera réintégrée dans le patrimoine du défunt, et son bénéficiaire devra payer des droits de succession.
- En Wallonie,la période suspecte a été portée à cinq ans le 1er janvier 2022 pour les donations effectuées à partir de cette date;
- En Flandre, le délai qui est actuellement de trois ans, devrait prochainement passer à cinq ans. A priori à partir du 1ᵉʳ janvier 2025;
- À Bruxelles, le projet de passer de trois à cinq ans, annoncé voici un an, est à ce stade resté lettre morte.
6. Le taux des droits de donation mobilière
Les taux sont similaires à Bruxelles et en Flandre: 3% en ligne directe, 7% entre toutes les autres personnes.
En Wallonie, les taux sont de 3,3% en ligne directe et de 5,5% entre toutes les autres personnes.
7. La donation immobilière faite dans les trois ans précédant le décès
Contrairement aux donations mobilières, pour les donations immobilières, un acte notarié est obligatoire. Vous paierez donc d’office des droits de donation.
Bruxelles est la seule Région qui ne tient plus compte d’une donation immobilière intervenue dans les trois ans précédant le décès pour fixer le taux applicable en droits de succession.
En Région wallonne, la valeur du bien donné est rajoutée à l’actif de la succession pour le calcul des tranches. Pour le calcul des droits de succession, il sera tenu compte des droits de donation qui ont déjà été payés.
Si la donation remonte à plus de trois ans avant le décès, il n’y a plus aucun droit à payer, et pour le calcul des tranches de droits de succession, on retombera dans les tranches les plus basses.
Il peut donc être intéressant de faire des donations tous les trois ans. En effet, pour les donations immobilières, les « compteurs sont remis à zéro tous les trois ans »: si vous faites une seconde donation moins de trois ans après la première, les montants des deux donations seront cumulés. Les droits de donation seront dès lors calculés sur une base plus élevée que si vous aviez échelonné vos donations tous les trois ans.
8. Le saut de génération
Le saut de génération est une technique qui permet aux personnes qui héritent de leurs parents de renoncer à leur part d’héritage au profit de leurs propres enfants. Mais ce n’est pas si simple. En Région bruxelloise et en Région wallonne, il faut obligatoirement renoncer à la totalité de la succession, ce qui est très dissuasif. Cela arrive donc très rarement.
Le saut de génération permet d’éviter que les droits de succession soient payés deux fois sur un même patrimoine. Mais cela s’arrête là. Car les droits de succession que les petits-enfants doivent payer sont identiques à ceux que le renonçant aurait payés.
Seule la Région flamande a instauré un saut de génération partiel, aussi appelé donation rapide. Les parents peuvent faire donation de tout ou partie de l’héritage qu’ils ont recueilli et pour lequel ils ont payé des droits de succession, à leurs enfants, en profitant de droits de donation de 0%. La donation doit intervenir dans les 12 mois suivant le décès. Ce régime favorable suppose la réunion de plusieurs conditions et connait certains plafonds.
En Wallonie, il existe un texte instaurant le régime favorable rapide, mais le gouvernement n’a jamais statué sur son entrée en vigueur et la nouvelle majorité n’a pas fait allusion à une telle mesure.
À Bruxelles, aucune disposition de ce type n’a été mise en place.
DEKEYSER & ASSOCIES_ECHO_8 différences régionales en matière de droits de succession_30.11.2024
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