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Nouvelle CPDI franco-belge : retour du double précompte franco-belge

Publié le 12 mars 2020

La Belgique et la France ont paraphé leur nouveau traité fiscal. Exit la disposition qui avait permis à la Cour de cassation de réduire la double imposition des dividendes.

Mauvaise nouvelle pour les investisseurs belges. La Belgique et la France ont paraphé une nouvelle convention fiscale et, d’après deux sources proches des négociateurs, elle aboutira à rétablir un double précompte mobilier sur les dividendes d’actions françaises perçus par des Belges.

9%

Part des actions françaises dans le portefeuille moyen d’un investisseur belge

D’après certains courtiers, les titres français représentent en moyenne 8 à 9% de la valeur du portefeuille d’actions de leurs clients belges.

L’actuelle convention dite « préventive de double imposition » (CPDI) qui lie les États français et belge remonte à 1964. Depuis plusieurs années, les deux pays étaient en négociation pour signer un nouveau traité pour répondre aux évolutions économiques et fiscales. Après de longues tractations, les délégations belge et française sont enfin parvenues à un accord, a appris L’Echo.

Le service public fédéral des Finances confirme l’information. « En effet, une nouvelle convention générale visant à éviter la double imposition a été paraphée avec la France à la mi-décembre 2019 », précise Florence Angelici, porte-parole du SPF Finances. Par contre, le contenu de l’accord ne peut pas encore être dévoilé officiellement. « La procédure prévoit que le texte de cette convention ne sera rendu public qu’après sa signature, poursuit Florence Angelici. Pour l’instant, nous ne savons pas encore quand la signature aura lieu. »

Fin de la déductibilité

Néanmoins, selon plusieurs sources bien informées, il est acquis que la nouvelle convention ne comporte plus de disposition autonome relative à la quotité forfaitaire d’impôt étranger (QFIE) déductible, alors que l’actuelle CPDI en fait la mention. Or, c’est précisément sur cette disposition que la Cour de cassation belge s’était basée, en 2017, pour autoriser les Belges qui perçoivent des dividendes français à déduire de leurs impôts payés en Belgique une partie du précompte versé à la France.

Interrogé sur le sort réservé à cette mention de la QFIE, le SPF Finances a indirectement confirmé sa disparition dans le nouveau texte. « Il est fait référence aux règles nationales belges sur les QFIE pour l’imputation du précompte mobilier étranger », explique Florence Angelici. Or, dans sa propre législation nationale, la Belgique a, dans le passé, supprimé la déductibilité de la QFIE, sauf pour certains cas de figure relativement rares. Donc, la nouvelle convention franco-belge renvoyant désormais à ces règles nationales qui n’existent plus, les Belges ne pourront plus déduire une part du précompte français de leurs impôts payés en Belgique.

Jurisprudence « inopérante »

Les fiscalistes confirment cette subtilité juridique. « La mention, dans la convention fiscale franco-belge, d’une QFIE ‘sui generis’ (propre à la convention, NDLR) sera supprimée, ce qui rendra inopérant, à compter de cette suppression, l’enseignement de la Cour de cassation belge consacrant le droit, pour le contribuable belge, de déduire la QFIE française », explique Me Grégory Homans, avocat associé au cabinet Dekeyser & Associés.

« Il n’y aura plus de QFIE autonome dans la convention, contrairement à la situation actuelle telle que consacrée par la Cour de cassation, la nouvelle convention renvoyant aux règles nationales de crédit d’impôt; or, en droit national belge, le crédit d’impôt a disparu depuis longtemps », confirme Me Laurent Donnay de Casteau, avocat et managing partner du cabinet Advisius.

C’est donc une très mauvaise nouvelle et un retour à la case départ pour les nombreux Belges qui sont actionnaires de sociétés basées en France. Les actions françaises sont populaires parmi les investisseurs belges. D’après certains courtiers, les titres français représentent en moyenne 8 à 9% de la valeur du portefeuille d’actions de leurs clients belges.

La position du fisc confortée

La nouvelle donne issue de la CPDI que la Belgique et la France viennent de parapher confortera, par contre, l’administration fiscale dans sa position face à la jurisprudence de la Cour de cassation. En effet, le fisc ne s’est jamais incliné face à l’interprétation que la haute juridiction avait énoncée en 2017.

Pour rappel, dans un arrêt du 16 juin 2017, la Cour de cassation avait décidé qu’en application de la convention franco-belge, une QFIE forfaitaire de minimum 15% devait venir en déduction du précompte belge sur les dividendes d’actions françaises. Dans un arrêt du 20 septembre 2018, la cour d’appel de Bruxelles avait appliqué cette interprétation, mais l’État belge avait introduit un nouveau pourvoi en cassation contre cette décision. Cette procédure est toujours en cours.

Un autre arrêt, prononcé cette fois par la cour d’appel d’Anvers le 17 décembre 2019, a de nouveau condamné l’État belge à appliquer la déduction d’une QFIE au profit de l’investisseur belge. Mais ici aussi, l’administration fiscale réfléchit à la possibilité de se pourvoir une fois de plus en cassation, sous un autre angle d’attaque.

Les investisseurs belges suivaient de près ces procédures en espérant qu’elles finissent par contraindre le fisc à s’avouer vaincu et à reconnaître à tous les Belges détenteurs d’actions françaises le droit de déduire de leurs impôts belges un forfait de 15% de retenue à la source française. Mais sachant que la nouvelle convention élimine le fondement même de la jurisprudence de la Cour de cassation, l’administration fiscale a moins de raisons de baisser pavillon face aux contribuables. Ces derniers peuvent toutefois toujours s’adresser à la justice pour réclamer l’application de la QFIE de l’actuelle convention, qui reste pleinement en vigueur jusqu’au jour où elle sera remplacée par la nouvelle.

Pas avant 2021, voire 2024

Reste à voir quand ce nouveau traité franco-belge entrera en vigueur. Tout dépendra du moment où les gouvernements français et belge signeront officiellement leur accord. À cet égard, notre exécutif fédéral, en affaires courantes, peut-il donner son assentiment à la convention? « Le fait que notre gouvernement soit en affaires courantes ne l’empêcherait pas, en principe, de signer le nouveau traité; un précédent existe dans une telle situation », indique Me Homans.

15%

Forfait d’impôt français déductible du précompte belge

Dans un arrêt du 16 juin 2017, la Cour de cassation estime qu’en application de la convention franco-belge, un forfait d’impôt français de minimum 15% doit venir en déduction du précompte belge sur les dividendes d’actions françaises

Mais la procédure ne s’arrêtera pas là. « Suite à cette signature, les différents Parlements belges devront également ratifier le nouveau traité », détaille Me Homans. « Après cet assentiment parlementaire, le Roi doit contresigner la loi d’approbation de la nouvelle convention. Cette loi sera ensuite publiée au Moniteur belge. Plusieurs mois ou années devraient s’écouler entre le paraphe par les délégations techniques et l’entrée en vigueur du nouveau traité fiscal », précise l’avocat fiscaliste.

Si la France et la Belgique mettaient les bouchées doubles pour valider la nouvelle convention, celle-ci ne pourrait de toute manière pas être applicable avant l’année prochaine, estime cet avocat: « La nouvelle convention fiscale n’entrera en vigueur que le 1er janvier 2021 au plus tôt », assure encore ce spécialiste de la fiscalité franco-belge.

Mais selon toute vraisemblance, le nouveau traité attendra davantage. « Avec le délai d’échange des instruments de ratification entre États, il est vraisemblable que l’entrée en vigueur, nécessairement au 1er janvier de l’année civile suivant l’échange des instruments de ratification, intervienne en 2023 ou 2024 », estime Me Donnay de Casteau. Sans doute déjà bien trop tôt aux yeux des investisseurs…

Source : L’Echo

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